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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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mais c’est qu’il cache
bien son jeu, poursuivit Basson toujours en riant.
    Comme Bridet était visiblement troublé, il
ajouta :
    — Allons, allons, si on ne peut plus
plaisanter...
    Puis se tournant vers l’homme qui attendait
à quelques pas :
    — Approchez, Rouannet, que je vous
présente un de mes vieux amis.
    — Je suis très flatté, dit l’homme à l’apparence
de vieux républicain, en s’inclinant avec respect.
    — Mon ami Bridet est des nôtres. Il a
un peu hésité, il a un peu cherché d’où venait le vent, mais il a enfin trouvé
sa voie. N’est-ce pas, Bridet ?
    — Je t’en prie...
    S’adressant à Rouannet, Basson continua :
    — Vous le reverrez, Rouannet. Il aura
besoin de vous.
    Puis, se tournant vers Bridet :
    — C’est à lui que tu auras affaire. M.
Rouannet est un précieux collaborateur.
    — Je serai très heureux si je peux
vous être utile, fit ce dernier, toujours avec beaucoup de respect.
    Puis il s’éloigna par discrétion.
    Quelques instants après, quand Bridet fut
de nouveau seul avec Laveyssère, il dit :
    — Quel type, ce Basson ! Ce ne
sont pas des plaisanteries à faire en ce moment.
    — C’est en effet plutôt de mauvais goût !
remarqua Laveyssère.
    — S’il appelle ça être gaulliste que
de venir à Vichy se mettre au service du Maréchal... Si un homme comme moi est
gaulliste, alors je ne comprends plus, un homme à qui cette bande de crapules
de communistes, de juifs, de francs-maçons a fait tout perdre... car ce sont
eux les responsables, ce sont eux qui nous ont mis là où nous sommes... Mais j’espère
bien qu’on leur fera payer... et cher. Ce ne sera jamais trop cher... Un homme
qui était heureux... qui vivait tranquillement sans faire de mal à personne...
    Bridet s’animait, il avait enfin trouvé l’accent.
    — Moi ! je serais gaulliste !
Elle est bonne, celle-là ! Après tout ce que cette clique a fait à mon
pays... C’est incroyable qu’il ne se soit pas trouvé plus tôt des bons Français
pour les mettre à la raison. Mais à présent, tout est changé. Fini la
politique, le piston, la combine.
    Comme Laveyssère se contentait de hocher la
tête, Bridet, feignant d’avoir un tel dégoût pour tous ces traîtres qu’il ne
pouvait même plus en parler, changea brusquement d’octave.
    — Je ne veux pas me mettre en colère,
dit-il.
    — Je ne comprends pas, observa à ce
moment Laveyssère, que vous ayez pris tellement au sérieux la plaisanterie de
Basson.
    Bridet ne sut, durant un instant, que
répondre. Se ressaisissant :
    — On vous aurait dit à vous que vous
étiez gaulliste, cela ne vous aurait tout de même pas fait plaisir !
    — Cela m’aurait été complètement égal.
    — Vous n’avez peut-être pas tout
perdu, comme moi.
    — Qu’est-ce que vous voulez dire ?
Qu’est-ce que vous avez donc perdu ?
    Bridet sentit une sueur froide lui couler
sur les côtes. Il s’enferrait.
    — J’ai perdu mon pays, s’écria-t-il en
écartant les bras.
    Laveyssère le regarda comme un inconnu qui
serait venu s’asseoir à sa table.
    — Eh ! bien, maintenant, je ne
vous comprends plus...
    — Comment ? s’écria Bridet avec
force, pour cacher son désarroi sous l’indignation.
    — Non, je ne vous comprends plus.
    — Vous ne comprenez pas qu’un homme
puisse être écœuré d’avoir été vendu, trahi par toute cette clique du Front
populaire, par toute cette bande de fripouilles et de communistes !
    Laveyssère était de plus en plus distant.
    — Ça, à la rigueur, je le comprends,
dit-il sèchement.
    — Eh bien, vous voyez, vous êtes de
mon avis ! dit Bridet en profitant de l’occasion pour se radoucir d’une
façon naturelle.
    — Non, je ne suis pas de votre avis,
continua Laveyssère qui s’adressait à Bridet comme s’il venait de faire sa
connaissance.
    — C’est moi qui, à présent, ne vous
comprends plus, dit Bridet.
    — C’est que nous n’avons pas du tout
la même façon de voir les choses.
    — Vous trouvez ?
    — Oh ! pas du tout ! Nous,
révolutionnaires nationaux, nous n’avons pas été surpris par ce qui s’est
passé. Nous l’avons prévu. Nous l’avons dit et répété. Nous n’estimons pas que
nous avons perdu grand-chose. Nous n’avons donc pas lieu de nous mettre en
colère. Le temps des criailleries vaines est révolu. Nous ne voulons plus
entendre hurler sans cesse, comme vous venez de le faire, les Français contre
les
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