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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante
Autoren: Arnaud Delalande
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par coeur, savait philosopher ; son érudition, son charisme, son esprit brillant, son sens de la repartie et son inestimable talent de conteur, qui pouvait pousser ses auditoires jusqu’aux larmes ou les tenir des heures en haleine, en faisaient une compagnie agréable et recherchée. Mais comment, dans cette ville chargée de secrets et de voluptés, aussi sainte que libertine, précieuse que décadente, pouvait-il ne pas céder à ses démons? Il passait des nuits entières dans les casini , s’abandonnait à toutes les dépravations. En même temps, ses accointances politiques en faisaient un informateur idéal, si bien qu’un soir, Emilio Vindicati, qui dirigeait alors la Quarantia Criminale , vint le trouver. Notre homme avait été ainsi recruté presque « par erreur ». Introduit par le sénateur Ottavio, il avait, sans le savoir, convaincu Vindicati de le choisir pour le compte du Conseil des Dix à la suite de trois duels successifs, et de petits tours de passe-passe grâce auxquels il avait ridiculisé quelques rivaux amoureux et chevaliers de sa connaissance. Incapable de rester en place et tenté par l’aventure, qui ajouterait encore du piment à sa vie, il avait accepté de rejoindre les rangs des informateurs des Dix. En quelques années, il était devenu l’une de leurs pièces maîtresses.
    Ainsi avait-il été promu, qui l’eût cru, agent secret.
    Agent secret pour le compte de la République.
    Parce qu’il portait souvent à la boutonnière une fleur dont il faisait venir les graines directement d’Amérique du Sud, via le sénateur Ottavio, et que cette signature lui était plaisante, on lui choisit un pseudonyme appelé à faire sa réputation : l’Orchidée Noire. Une manière de nom de code, beau et vénéneux, qui lui allait comme un gant. Il oeuvra à traquer les ennemis du pouvoir, séditieux et brigands de tout poil. Fort de son expérience militaire, il put parfaire sa formation jusqu’à devenir maître d’escrime. Digne héritier de sa mère, il savait tout de la comédie et de l’art du déguisement : en bon caméléon, il s’était déjà composé mille visages. Il était considéré comme un excellent élément.
    Tout cela aurait pu continuer longtemps, s’il n’avait commis l’erreur cruciale de séduire l’épouse de son protecteur. Ah, la belle Anna ! Anna Santamaria ! Elle avait la taille souple, des yeux de biche, un délicieux grain de beauté au coin des lèvres, des seins voluptueux, une grâce à rendre fou. Jeune et contre son gré, elle avait été mariée au sénateur Ottavio. Tous deux n’avaient pu résister. L'Orchidée Noire avait fait bien des conquêtes, mais jamais il n’était tombé amoureux au point de risquer jusqu’à sa vie. Anna Santamaria lui avait cédé bien des fois, oui – dont une de trop. La tempête qui s’ensuivit mit fin à sa carrière. Le 18 novembre 1755, les inquisiteurs de la cité étaient venus le sortir du lit pour le conduire aux Plombs, sous les chefs d’inculpation inventés d’athéisme forcené et de cabale. Un mois plus tard, alors qu’il échafaudait déjà un plan pour s’en évader, le gardien Basadonna l’avait changé de cellule. Tout était à refaire mais, sans se décourager et avec l’aide de Casanova, qu’il avait retrouvé là – salut à toi, l’ami –, le prisonnier s’était mis à réfléchir à des stratagèmes alternatifs. Quant à Anna Santamaria, l’épouse d’Octavio, elle devait être encore à Venise, à moins que son époux ne l’ait recluse quelque part en Terre Ferme. En tout cas, l’Orchidée Noire et sa maîtresse n’avaient pu communiquer depuis lors. Longtemps, il avait espéré des lettres d’elle, qui ne lui étaient jamais parvenues. Il en avait aussi écrit, qui n’avaient pas dû davantage arriver à bon port. Et, bien qu’il fût d’un naturel inconstant, cela lui était une réelle souffrance.
    Il en était là lorsque Emilio Vindicati, son mentor d’antan, était venu le trouver une première fois. Le détenu avait l’esprit et l’imagination nécessaires pour ne pas sombrer dans l’apathie, voire la folie qui embrasait parfois l’âme de certains de ses compagnons de claustration. Giacomo et lui les entendaient pousser d’affreux hurlements, des plaintes lugubres, qui allaient se perdre dans l’obscurité. Certains en venaient à s’étouffer avec leurs propres chaînes pour hâter leur mort, ou se frappaient la tête contre les murs, si bien
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