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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent
Autoren: Viviane Moore
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loyauté à la fille de son maître.

64
    Plus ils avançaient, les fers des chevaux résonnant sur le sol durci, plus l’étrangeté du paysage les frappait. La glace habillait les arbres, les roseaux, l’herbe et la terre d’un même linceul.
    Leurs destriers piétinaient dans une boue glacée, signe du passage de la troupe en armes qu’ils s’efforçaient de suivre. Les soldats avaient tout d’abord longé le lac de Pirou recouvert d’une armure scintillante, puis ils avaient obliqué vers le havre. Avaient-ils déjà trouvé la trace de Sigrid ?
    Tout était immobile et les bruits du monde, même les cris des oiseaux, étaient étouffés. Ils ne croisèrent âme qui vive, les gens se terrant dans les maisons, les bêtes dans les étables.
    Sur le sol, les traces passaient à travers les mielles et rejoignaient la grève. Et là aussi, le paysage était inouï.
    La grève avait changé de couleur, les herbes folles, les piliers de bois enfoncés dans le sable, les rochers recouverts d’algues scintillaient de feux glacés. Il n’y avait pas de vent, pas le moindre souffle.
    Le ciel avait pris une teinte blafarde, reflétant la mer prise, elle aussi, dans la glace. La mer était basse et le froid l’avait saisie, formant une frange blanche qui tranchait avec le gris froid des eaux libres.
    Devant eux se dressaient les rochers de Pirou et la chapelle au péril des flots qu’ils ne pouvaient encore discerner. Sur la grève s’étaient arrêtés les cavaliers et leurs dogues, lointaines silhouettes noires tranchant sur la pâleur du gel. Les chiens allaient et venaient le long de la mer gelée, lâchant de temps à autre de sourds aboiements de dépit.
    — Que font-ils ? demanda Tancrède.
    Mais il savait déjà qu’il n’y avait qu’une réponse possible. Ils avaient trouvé Sigrid. Il chercha du regard la jument de la jeune femme et ne la vit pas. Le coeur serré d’un sombre pressentiment, il prit le galop.
    Le capitaine et les gardes se tenaient à la lisière de la mer prise. L’un des dogues s’était aventuré sur la glace trop mince qui s’était cassée sous son poids. Le poil mouillé, tremblante, la bête était revenue près de ses maîtres.
    — La glace n’a pris que sur une vingtaine de toises et l’eau n’est pas profonde, disait le capitaine d’armes à l’un de ses sergents.
    Au moment où ils entendaient ces paroles, Hugues et Tancrède aperçurent ce qui excitait les chiens. À peu de distance du rivage, prisonnière de la mer gelée, gisait une forme enveloppée d’un mantel clair. Sigrid et ses longs cheveux épars. Le visage apaisé, aussi blanc que la glace qui la recouvrait tout entière, ses yeux grands ouverts fixant le ciel.
    — La dame blanche, murmura Tancrède.
    Il contempla longtemps le corps enchâssé dans son armure pâle... Puis il fit faire demi-tour à son destrier et s’éloigna.
    Hugues n’essaya pas de le retenir. Il savait qu’il faudrait une longue et épuisante chevauchée avant que Tancrède arrive à calmer la douleur qui le possédait.
    Nul ne sut jamais ce qui était arrivé à Sigrid.
    Sans doute, le froid l’avait prise alors qu’elle était descendue de cheval près de la chapelle au péril des flots.
    Ne sachant où aller, elle s’était réfugiée dans ce lieu qu’elle aimait. Elle avait dû marcher sans prêter attention au fait que son destrier s’était enfui.
    Avait-elle vu, elle aussi, ce soir-là, la dame blanche ? Ou le fantôme trop présent d’Osvald ? Ce frère qu’elle avait aimé autant qu’elle l’avait haï. Avait-elle marché vers la mer ? Était-elle tombée à genoux avant d’être recouverte par les flots puis, lentement, prise par le froid et la glace ?
    La prophétie d’Aubré s’était réalisée. Le froid était venu et, comme le feu, avait apporté le châtiment. La mer avait gelé et dans ses vagues immobiles reposait la dame blanche.
    Le lendemain, Tancrède et Hugues quittaient Pirou. Ils avaient accepté l’invitation du sire d’Aubigny à passer les mois noirs à l’abri des murs de son château.
    Déjà, dans le secret de ses pensées, Hugues de Tarse préparait le voyage qui allait les emmener lui et son protégé vers Barfleur. Il lui faudrait bientôt révéler à Tancrède ses singulières origines. Et si Dieu le voulait, ils embarqueraient au printemps sur une esnèque qui les mènerait vers les mers chaudes d’où tous deux étaient venus, voilà bien longtemps...

ANNEXES
    À
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