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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent
Autoren: Viviane Moore
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    — J’allais vous réveiller, mais les trompes l’ont fait pour moi, remarqua-t-il en lui donnant l’accolade. J’étais à l’infirmerie avec les blessés. Baptiste est monté voir Mauger, il voulait lui donner une potion calmante. D’après les soldats, il a cogné dans les murs et sur sa porte toute la nuit. Je l’ai vu se jeter dans le vide.
    L’alerte avait cessé. Et Tancrède prit conscience du silence terrible qui s’abattait sur le château. Désorientés, abasourdis par le spectacle de la mort, les gens s’étaient tus. Engoncés dans leurs vêtements, ils piétinaient sur place.
    — Mauger ? fit-il.
    Mais tout en disant ce nom, Tancrède comprit. Serviteurs et soldats s’étaient écartés. Au pied de la muraille s’étendait une grande mare de sang et de viscères que le froid était en train de figer. Au milieu gisait un corps désarticulé, éclaté.
    La nausée prit le jeune homme qui se détourna un instant. Impossible de reconnaître dans cet amas de chairs et d’os broyés le charmant cousin de Randi. Il le revoyait encore les cheveux en bataille et le bliaud en désordre sortant de la chaumière.
    Frère Baptiste, essoufflé, venait d’arriver près d’eux. Ses yeux étaient cernés de noir, son visage mal rasé et Tancrède trouva que, lui aussi, avait changé. Avec toutes ces épreuves, il paraissait plus vieux, moins solide.
    — C’est de ma faute, messire, fit-il à Hugues. J’avais dit qu’il n’y avait plus besoin de garde devant la porte puisque j’étais avec lui. Il s’était calmé et je n’avais pas compris que c’était parce qu’il était déterminé à en finir. Il m’a demandé comment nous chassions le diable, nous autres, les religieux. S’il y avait une incantation. Je lui ai dit : Abrenuntio, lui expliquant que cela voulait dire « je renonce », la même formule que l’on prononce pour le baptême. Il a eu un drôle de regard, infiniment triste. J’allais lui donner sa potion quand il m’a bousculé. Il a pris en courant l’escalier qui mène au sommet du donjon et a sauté dans le vide avant que quiconque puisse l’en empêcher !
    Tancrède pensa à la petite Clotilde dont les hurlements terribles allaient bientôt retentir. Rien ni personne, cette fois, ne la calmerait. Mauger, le dernier des siens, était mort.
    Les garçons d’écurie sortaient des destriers sellés. Les dogues reniflaient un tas de vêtements.
    Baptiste les désigna du menton.
    — Le capitaine des gardes et ses hommes partent à la recherche de Sigrid. Avec les chiens, si elle est encore dans les parages et je ne vois pas où elle aurait pu se réfugier, elle n’a aucune chance.
    À ces mots, Tancrède sentit une boule se former dans sa gorge.
    — La mort de Mauger a retardé leur départ, reprit l’aumônier, mais pas très longtemps.
    Tancrède se tourna vers Hugues. Son désarroi devait se lire sur son visage.
    — Mon maître...
    — Vous voulez que nous partions à sa recherche, n’est-ce pas ? Je m’en doutais et j’ai ordonné qu’on selle nos chevaux. J’allais monter vous chercher quand l’alerte a retenti. Nous allons leur laisser un peu d’avance, je ne tiens pas à chevaucher à côté des dogues et des hommes en armes.
    Un moment plus tard, ils étaient en selle. Alors qu’ils allaient passer la porte de la barbacane, Hugues se tourna vers son protégé.
    — Je n’ai pas eu le temps de vous dire...
    Il montra d’un geste le gibet dressé près du lac. Quelques corbeaux, silhouettes lugubres et silencieuses, s’étaient perchés sur les bois de justice recouverts de glace. Au bout de la corde pendait le corps d’un homme.
    Ils s’approchèrent et Tancrède reconnut non sans mal les traits de Jehan, le maître d’armes, dans ce visage convulsé à la langue sortie, aux yeux exorbités. A ses pieds, une flaque d’urine jaune déjà gelée. Un soldat de garde les salua au passage.
    — À la première heure de l’aube, ce matin, continua Hugues, Serlon l’a fait conduire ici.
    — Je ne pensais pas qu’il...
    — Que croyez-vous donc qu’il allait faire ? s’exclama Hugues. S’encombrer de lui en le gardant au cachot ? Non, ce n’est pas là la manière du sire de Pirou. Rappelez-vous ce que nous a dit la jeune Randi. Il a pendu un gamin pour moins que ça. Il n’allait pas tolérer qu’un de ses hommes ait pu lever la main sur lui. Celui-là sert d’exemple aux autres. Il a payé le prix de sa
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