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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent
Autoren: Viviane Moore
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m’entendre !
    — Vous auriez donc pu tuer Ranulphe ?
    — Oui.
    Un silence.
    — J’aurais pu, sauf que je ne l’ai point fait.
    — Mais rien ne le prouve ! s’exclama Sigrid. Il dit lui-même qu’il n’était pas au château. Rien ne prouve qu’il n’a pas voulu venger Muriel. Vous lui portiez grande affection et, de cela, cher cousin, je ne doute pas. Qui nous prouve que vous qui connaissiez les herbes – vous êtes apothicaire, n’est-ce pas ? – qui nous prouve que vous n’avez pas compris avant nous tous qu’on l’avait empoisonnée ? Je me souviens qu’à la messe funèbre, vous avez repris le psaume avec Mauger et que votre voix témoignait d’une juste colère.
    — Non, rien ne le prouve, damoiselle. Mais ces mains-là ne sont pas souillées de sang. J’en jure devant Dieu qui nous entend !
    Le moine blanc s’était tourné vers Hugues de Tarse qui réclama le silence.
    — Pour l’instant, nul ne vous accuse, mon frère. N’oublions pas la deuxième personne ayant une raison de tuer Ranulphe : Bjorn. Celui qui aimait plus que tout Muriel et qui, malgré les années, lui est resté fidèle. Qu’aurait pensé celui-là s’il avait su que Ranulphe avait empoisonné la douce Muriel ? Frère Baptiste, je sais que vous vouliez le défendre.
    — Oui, fit l’aumônier en se levant. D’abord, je ne crois pas que Bjorn ait su pour l’empoisonnement.
    — C’est vrai, il était parti du château bien avant que la nouvelle ne s’en répande et que Till ne trouve le flacon dans les douves.
    — Et même dans ce cas, il aurait pu tuer Ranulphe de ses mains nues, mais pas de cette façon.
    — Vous mettez le doigt, mon frère, sur quelque chose que je voulais aborder. Ranulphe de l’Épine a été tué de plusieurs flèches dans le dos. Des flèches enduites de poix. Les brandons du Psaume. Qu’en pensez-vous, Mauger ?
    Le jeune homme se balançait d’avant en arrière.
    — C’est le feu du ciel qui l’a tué, finit-il par dire.
    — Il est vrai que je vous ai oublié dans ceux qui avaient une raison de tuer Ranulphe. N’étiez-vous pas le premier de tous ? Le fils chéri de la dame de l’Épine, celui en qui elle avait reporté tout son amour.
    Les larmes montaient aux yeux du jeune homme. La voix de Hugues se durcit quand il dit :
    — La petite Clotilde nous a confié que la seule arme à laquelle vous étiez habile, c’était l’arc, Mauger. Est-ce vrai ?
    Tancrède se rappela le couire et l’arc qu’il avait ramenés de la chapelle au péril des flots. Randi regardait son cousin avec des yeux agrandis par l’horreur. Tous commençaient à comprendre.
    Le jeune homme ne répondit pas. Son regard, un moment si clair, s’était à nouveau assombri.
    — Je ne cherche que la vérité, Mauger. Et vous n’avez même pas essayé de la dissimuler, cette vérité. Votre arc porte encore sur son bois des marques qui vous accusent.
    Un silence.
    — La vérité, c’est que vous aimiez votre mère plus que tout. La vérité, c’est que vous avez très vite compris qu’on l’avait tuée. Vous étiez dans la cour quand Ranulphe s’en est pris à Bjorn. Vous étiez là aussi, quand Till et Tancrède ont trouvé la fiole de poison que vous connaissiez si bien. N’aviez-vous pas, vous aussi, tout comme Bertrade et la Roussette, aidé à donner sa potion à votre pauvre mère ?
    — Oui ! cria le fils de Ranulphe. Oui, plusieurs fois, j’ai ouvert ses lèvres de force pour y glisser le poison qui l’a tuée.
    — Ensuite, quand Baptiste et moi nous nous sommes enfermés avec Tancrède et Aubré dans l’infirmerie, n’est-ce pas vous qui êtes entré dans la cellule de l’aumônier ? Vous qui avez entendu cette vérité insoutenable, qui avez compris que votre père avait empoisonné votre mère ?
    Le fils de Ranulphe se dressa. Il était hors de lui, les yeux exorbités :
    — Oui, c’est moi qui l’ai tué ! hurla-t-il. Trois flèches dans le dos, et je l’ai regardé prendre feu et se débattre et appeler à l’aide. C’était le feu du ciel !

59
    Après un moment de stupéfaction générale, les sergents d’armes s’emparèrent de Mauger. Il ne se débattit même pas et s’affala dans leurs bras. Il s’était remis à marmonner, les yeux hagards, et les soldats durent quasiment le porter tant le tremblement de ses membres l’empêchait de marcher.
    — Conduisez-le à sa chambre et enfermez-le, sergent, ordonna Sigrid. Et
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