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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra
Autoren: Claude Izner
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de mon amie Josette, Suzanne Arbois, la police a été formelle : crime de rôdeur.
    Augustin Valmy regardait d'un air songeur une feuille tapée à la machine.
    — Mais enfin, qu'attendez-vous au juste de moi ? enchaîna Lambert Pagès. Je vous assure que je suis navré, inspecteur, je ne vais pas avouer des assassinats pour vous satisfaire, c'est à vous de démontrer que j'en suis l'auteur et, si je me fie à mon jugement, vous ne possédez rien de concret. Pas de témoin, pas de mobile, pas de faits tangibles. Vous devrez vous contenter de la mort d'Anicet Broussard et vous en tenir à ma version de la légitime défense.
     

Cinq jours plus tard
    — Où en est votre affaire de petits cochons ? demanda Kenji, un rictus carnassier aux lèvres. Vous connaissez le mobile de l'assassin ?
    — Non, répondit Joseph d'un ton rogue, le doigt coincé dans la ficelle d'un paquet de livres. Lambert Pagès nie tout en bloc. Il admet avoir occis Broussard, en état de légitime défense. C'est dans les journaux si ça vous intéresse, ça vous fera de la lecture ce soir. Oh, la barbe ! J'en ai marre de ces nœuds, mais marre, marre, marre ! Un supplice chinois !
    — Mon cher Joseph, au Japon il existe une tradition ancestrale de l'emballage. J'envisage sérieusement de vous y envoyer en stage, seulement il faudra assidûment étudier la langue. Je vous rassure, c'est plus facile que le chinois.

ÉPILOGUE
    Un dimanche de juillet 1897
     
    Chauffée à blanc, la ville recelait des oasis à l'herbe rabougrie où, entre deux orages, les Parisiens s'asseyaient en chœur sur des sièges paillés. Pour dix centimes réclamés par la loueuse de chaises 39 , ils s'imaginaient transportés en des terres exotiques, à des milliers de lieues du fracas des omnibus et des jonchées de feuilles prématurément jaunies.
    L'été était presque automnal. Loin de combler les promeneurs, juillet les attristait de son haleine tropicale qui dénudait les marronniers. Alignés le long de la fontaine Médicis, le clan Legris-Pignot-Mori jouissait de l'ombre dispensée par quelques branches encore garnies. Deux landaus l'encadraient. Dans l'un d'eux somnolait en clappant des lèvres Arthur Gabin, l'héritier mâle de Joseph et Iris, jalousement veillé par sa sœur. Installée en retrait, une plantureuse Corrézienne, la cadette de Mélie Bellac, berçait son propre poupon Le lait d'Iris étant trop pauvre, elle faisait office de nourrice et régnait sur la maisonnée, à l'intense déplaisir d'Euphrosine, indisposée en permanence par son corsage plein à craquer, prompt à s'ouvrir en public.
    — De vraies Jézabel, cette engeance, Jésus-Marie-Joseph ! Ça vous attire les mâles comme le sirop d'orgeat les mouches. Ah ! Si y a un objet utile que le progrès nous ait fourni, c'est le biberon. Quel malheur que ma belle-fille y soit hostile ! débitait-elle à qui voulait l'entendre.
    Ennemie dès la première heure de cette paysanne rougeaude, Daphné craignait qu'elle ne troquât son nourrisson contre son frère bien-aimé. Cette antipathie avait valu à Perrine Bellac de se coucher dans un lit en portefeuille et de recracher un café au lait mêlé de sel. Mais son tempérament enjoué résistait à ces coups bas et sa poitrine se gonflait chaque jour davantage.
    Dans le second landau dormait à poings fermés Alice Elizabeth Legris après la tétée donnée par sa mère une heure plus tôt au fond de l'arrière-boutique de la librairie Elzévir.
    Lorsque Victor avait vu les seins de Tasha doubler de volume, il avait manifesté une surprise enthousiaste. Son allégresse s'était attiédie quand sa fille avait requis les soins presque exclusifs de sa génitrice. Toutefois, Tasha acceptait ses câlineries, à condition de les limiter à quelques instants.
    « Un mauvais moment à passer, mon vieux », se répétait Victor avec philosophie. D'ailleurs, il était fou d'Alice et pour rien au monde n'eût souhaité avancer le temps de son sevrage. Il se pencha vers elle. Quelles sensations flottaient à l'intérieur de cette tête minuscule ? À quoi, à qui ressemblerait son enfant quand elle serait adolescente ? Serait-il présent pour assister à la métamorphose ?
    Des questions plus prosaïques se bousculèrent en lui. Comment un être si chétif émettait-il une telle stridence ? Cesserait-il bientôt de se gaver la nuit afin de plonger plusieurs heures d'affilée dans le sommeil dont il privait ses parents ?
    Une main se posa sur son
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