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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra
Autoren: Claude Izner
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Je n'ai pas renâclé, je suis conciliant, mais dès que Féralès a eu le dos tourné, je me suis recouché. Le manuscrit, je l'ai gardé.
    Melchior éclata de rire et fit une culbute sur le lit.
    — Ils me traitaient en esclave : « Guilleri, tiens voilà cinq francs, va porter ci, va porter ça. » Ça m'a étonné, ce cochon en pain d'épice destiné à Tony Arcouet. Il était déposé dans ma cache secrète sans nom d'expéditeur, bien empaqueté d'un joli papier rose. Habituellement, ceux qui offrent des douceurs tiennent expressément à ce que leur destinataire soit au courant de leurs largesses, mais là, juste un nom, une date, un lieu et un billet de dix francs. Le mot qui l'accompagnait m'a intrigué : « Mange-moi du museau à la queue, tu ne t'en porteras que mieux. » Naturellement, ce goinfre de Tony n'a pas résisté à l'appel du sucre. Il a bu sa dernière tasse. Drôle de hasard, non ? D'autant que j'avais surpris une conversation entre Lambert Pagès et Agénor Féralès à propos du manuscrit que je devais remettre à Tony Arcouet, un ballet-opéra paraît-il écrit par Olga Vologda. Huit jours plus tard, même topo. Cette fois, c'est la belle Olga qui est visée par le petit cochon : « Croque-moi et Coppélia triomphera. » Elle en a réchappé. J'ai spéculé qu'elle s'était forgé un alibi de première classe, surtout que c'était elle qui avait incité la bande de marcassins à une promenade en barque. Bref, j'étais dans l'expectative. Ce qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est la mort de Joachim Blandin. Là encore, le petit cochon avait frappé : « Cher maître, si vous me croquez, votre archet fera merveille. » Quand j'ai lu ces mots, ce fut comme si j'étais Moïse face au Buisson ardent, je ne comprenais pas et, en même temps, je pressentais vaguement le pourquoi du comment. Tout à coup, la solution m'est tombée dessus en pleine poitrine : Josette au bras de Lambert Pagès dans le salon de Mme de Cambrésis, le jour où Évangéline Bird donnait sa consultation. Ma Josette, mon salut, ma rédemption ! Josette sauvée des flammes de l'Opéra de la rue Le Peletier par ma pomme. J'en ai dépensé des sous pour me racheter ! De fil en aiguille, j'en suis venu à m'interroger sur le misérable gagne-pain de sa maman, Suzanne Arbois. Une pâtissière. Salaud de Lambert ! Josette était-elle sa complice ? Il fallait que j'en aie le cœur net. Je suis allé chez Suzanne. On avait apposé les scellés sur sa maison. J'ai fouiné à droite à gauche et j'ai appris que la pauvre vieille avait été étranglée. Je devais à tout prix protéger Josette, quel que fût son rôle dans cette affaire.
    « Ne me reluque pas avec ces yeux de merlan frit, Adonis, je sais, je suis coupable, j'ai continué à livrer mes cochons. D'abord à Féralès, sans remords, tu peux me croire, ensuite à ce satané Legris, mais cette fois j'ai échangé les cochons, celui qu'il a reçu était inoffensif. Je les ai filés à Passy, lui et Lambert, j'ai tout vu. Pendant qu'ils faisaient dodo, j'ai subtilisé le cochon de la source, par jeu, pour flanquer la jaunisse au boursicoteur. Il est au chaud, dans le coffre avec mes autres trophées. Lambert n'a pas désarmé, il a tenté de tuer le Japonais, de toute façon, même sans l'intervention de l'inspecteur de police, il ne courait aucun danger, j'avais encore fait la substitution. C'est cette cruche d'Olga avec son ultimatum qui m'a soufflé l'idée des pneumatiques. Provoquer l'affrontement final. Ah ! Quelle partie de plaisir de voir s'étriper l'assassin et le voleur. Maintenant, je suis libre, Hadès et Perséphone est à moi et plus personne n'est là pour le contester. Seulement, je suis prudent, j'ignore ce que Pagès va dégoiser à la police, donc, j'ai traduit le livret en italien, j'ai modifié le titre en Pluton et Proserpine , et l'histoire se situe non plus chez les Grecs, mais chez les Romains. Tu saisis l'astuce ?
    « Je commence à avoir faim, pas toi ? Non, toi, tu n'as jamais faim, tu vis d'amour et d'eau fraîche. Je vais me payer un bon gueuleton au wagon-restaurant. Ah, il faut que je te montre un truc. Tu vois, Adonis, j'ai tout prévu, je me suis expédié un télégramme qui, en cas de besoin,, aurait justifié mon absence à la foire du Trône le 19. Écoute ma prose :
    TRÈS CHER MELCHIOR, VOICI L'ADRESSE : CASTEL LES BALIVEAUX, AMBERT, CHEZ M. PALETOCK, UN ANGLAIS FORTUNÉ PRÊT À FINANCER MON PROJET. M. ROZEL ET MOI SOMMES RESTÉS
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