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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir
Autoren: Michel Langlois
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afin d’être exemptés de la sorte des droits d’entrée au pays.

    J’aurais aimé témoigner contre Bigot et sa bande, mais j’étais bien conscient qu’on n’aurait jamais cru le témoignage du pauvre commis aux écritures que j’avais été. Par contre, j’eus la satisfaction de voir que les preuves que j’avais apportées servirent à bonne fin. Peu de temps avant de regagner Québec, je demandai au procureur la faveur de dire deux mots à Bigot. Je ne croyais jamais qu’on me l’accorderait, mais on le fit. J’avais l’occasion de retourner à l’intendant ce qu’il m’avait lancé avec tant de mépris. Quand je fus en sa présence, je lui dis:
    â€” Vous me reconnaissez sans doute, Clément Perré, le petit commis aux écritures de votre secrétaire Deschenaux. Je veux simplement vous retourner un de vos mots d’esprit d’il y a plus de vingt ans: “N’est-ce pas vous qui paierez?”

    Quand je regagnai La Rochelle, au printemps de 1763, afin d’y monter sur un navire en partance pour Québec, le procès tirait à sa fin, mais les sentences n’étaient pas tombées et j’étais bien peiné de ne pas pouvoir en informer tous ceux que j’aurais voulu. Tout au long de mon séjour, j’étais devenu ami avec l’enquêteur Querdisien. Il promit de me faire part des résultats du procès dès que tout serait terminé.
    Ce fut donc en paix, avec la satisfaction du devoir accompli, que je montai à bord du vaisseau La Parfaite Union pour regagner Québec. Je n’avais plus qu’un rêve en tête: celui de retrouver au plus tôt Verchères et de rendre heureux mon épouse, mes petits-enfants et tous ceux et celles qui habitaient au manoir. La vie m’avait appris une chose: ce n’est pas ce que nous avons qui nous fait vivre, mais bien ce que nous donnons. Je n’avais qu’à me rappeler les visages longs, tristes et soucieux de Bigot et de ses acolytes pour confirmer que rien ne sert de vouloir s’enrichir, surtout pas aux dépens des autres, car au fond, la plus grande richesse se trouve dans l’amour de ceux qui nous entourent. Il m’avait fallu toutes ces années de ma vie pour le comprendre et voilà qu’au moment où, à soixante-dix ans, j’entrais plus profondément dans la vieillesse, j’avais enfin la satisfaction de pouvoir me consacrer à mon entourage.
    Le mouton noir en moi montrait désormais un pelage plus blanc.

Chapitre 61
Retour à Verchères
    Rien au monde, je crois bien, n’est plus agréable que de revoir les siens après une très longue absence. Je trouvai fort longue la traversée de la mer jusqu’à Québec. Pourtant, les vents nous étaient favorables et aucune tempête ne vint perturber notre voyage. Une fois de plus, je fus profondément impressionné, quand notre vaisseau entra dans le golfe du Saint-Laurent, par l’immensité et la beauté de notre pays. Je ne m’ennuyai pas une seconde de la vie trépidante de Paris. Le simple fait de voir les goélands suivre nos voiles suffit à me faire aspirer au plus tôt à la vie paisible de Verchères. Il me semblait que toute ma vie n’avait été qu’une course et voilà qu’enfin j’allais trouver mon havre de paix.
    Bien que j’aie toujours aimé Québec, je ne m’y attardai pas. Je racontai à mon ami Huberdeau les péripéties de mon séjour à Paris et du procès, et lui fis part de mes prédictions sur les sentences qui seraient rendues. Bigot, comme Cadet et Péan, et peut-être même Varin et Bréard, risquaient tous un verdict de mort. Mais il ne fallait pas trop nous faire d’illusions, car le pouvoir des malfaiteurs s’avère parfois plus grand qu’on ne le croit et ils s’en tirent souvent sans trop de mal. Mais je ne pouvais pas croire que Bigot et les siens échapperaient à l’échafaud.
    Dès que je le pus, je montai à bord d’une barque en partance pour Montréal. Il fallut quatre jours avant que je puisse toucher Verchères. Je n’avais pas pu prévenir Justine du jour de mon arrivée. La joie que je lus dans ses yeux quand elle m’aperçut me consola de tout ce temps passé loin d’elle. Marie-Louise
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