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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
Autoren: Jean Markale
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persistante. La Toussaint approchait, avec son
cortège d’images. Pourtant, la Toussaint est une fête de la Joie, une fête où
se retrouvent les vivants et les morts dans une communion parfaite, celle qui
échappe au temps et à l’espace. La Toussaint chrétienne n’a fait que remplacer
l’antique fête celtique de Samain , le nouvel
An des peuples d’autrefois, la « fin de l’été », et aussi le début de
l’hiver, l’entrée dans la période du froid, du retranchement et de la méditation.
La grande nuit de Samain s’approchait donc, et
j’en avais pleinement conscience, tout en roulant sur les routes normandes, en
cette fin d’octobre 1977. Je me répétais que, selon la croyance druidique, pendant
la nuit de Samain , les « Tertres »
étaient ouverts, c’est-à-dire que le monde des morts était ouvert aux vivants
et celui des vivants aux morts. Ce n’était pas un hasard si le poète Michel
Velmans avait choisi la Toussaint et les jours qui précédaient, pour célébrer
dignement la mémoire des poètes disparus et l’éloge des poètes vivants.
    Après Pontaubault, au lieu de prendre la route classique de
Pontorson, je voulus suivre la route côtière qui serpentait dans les marais, à
travers des villages dont l’aspect m’était totalement inconnu. Et puis, tout à
coup, à travers un rideau d’arbres qui commençaient à se dépouiller, le Mont m’apparut,
dans la brume dorée, étincelant comme le glaive de l’Archange, préfigurant
peut-être une porte du Jardin d’Éden qui se cachait à l’ombre des murailles de
l’abbaye. Cela était beau, grandiose. J’avais l’impression de parvenir enfin à
quelque sanctuaire où j’aurais aimé prier, où j’aurais tout au moins essayé de
communiquer avec ce qui est incommunicable. Après tout, n’allais-je pas à une
réunion de poètes ?
    Ce fut là mon deuxième séjour au Mont-Saint-Michel. Il
faisait bon. L’air était humide et doux. Le vent avait quitté les rivages de ce
monde. Les maisons, ce soir-là, dormaient paisiblement le long des remparts. Les
grèves étaient nues, désertées par les oiseaux. Le lendemain, je visitai
attentivement ce qui n’était pas montré à tout le monde, dans les sous-sols de
l’abbaye. Mais, ce lendemain, c’était un dimanche, et, l’après-midi, alors que
le soleil devenait particulièrement chaud, le Mont fut envahi par des hordes de
visiteurs. Je voulus m’enfuir. Pour moi, le Mont n’avait d’intérêt que si j’y
étais seul, ou presque seul. Nous repartîmes ainsi vers le sud. Mais ce n’était
plus vers Brocéliande que j’allais. Les temps n’étaient plus les mêmes. Cependant,
je crois qu’à ce moment, j’ai compris que quelque chose m’attirait très fort
dans ce Mont-Saint-Michel au Péril de la Mer, et que je devrais y revenir :
alors de mystérieuses portes s’ouvriraient et me laisseraient pénétrer dans le
cœur même de l’antre où le Dragon, maîtrisé par l’Archange de Lumière, attend l’heure
et le jour où il doit de nouveau affronter son adversaire.
    L’année suivante, la Rencontre poétique avait lieu en Brocéliande.
J’y allai, mais, cette fois, avec Môn. J’étais allé la chercher à la gare de
Rennes, et je l’avais conduite à travers la forêt, vers cet étrange village qu’est
Néant-sur-Yvel, surmonté d’une « butte saint Michel ». En fait, c’est
Môn qui me guidait dans la brume, ses yeux dévoraient la nuit de Samain , parmi les landes et les tertres d’où surgissaient
parfois des ombres familières. Et, en 1979, après un séjour à Saint-Malo où j’avais
participé à une curieuse élaboration d’une liste bretonne délirante pour les
élections européennes, nous longeâmes la côte, Môn et moi, avant de rejoindre
Paris. Nous fîmes alors une courte halte au pied du Mont-Saint-Michel, restant
sur la digue et n’entrant même pas dans la ville. Et nous repartîmes aussitôt
sur les routes normandes. C’est là que nous nous arrêtâmes à Carrouges, dans un
étrange Hôtel du Nord qui méritait bien son nom, puisque, le lendemain, quand
nous en sortîmes, le pare-brise de ma voiture était entièrement givré, et que j’eus
toutes les peines du monde à faire démarrer le moteur. Et les mots d’un poème
facétieux de Max Jacob me revenaient sans cesse en mémoire : « À Carrouges,
sur un cheval rouge… »
    Nous retournâmes au Mont pour la Rencontre poétique, les
derniers jours d’octobre.
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