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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
Autoren: Jean Markale
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arguments qui ne
concordaient pas tout à fait avec ce qu’il avançait lui-même, je me permettais,
sans y être autorisé, de provoquer la discussion. Mais l’abbé Gillard ne me
donnait jamais raison : il n’écoutait que ce que disait Claire, ce qui ne
l’empêchait pas, à chaque fois, de me faire parler abondamment. C’était un système,
chez lui, un système qui sortait je ne sais d’où, et qui consistait à me faire
aller aux extrêmes limites de la patience. Et comme j’avais pour lui plus qu’une
grande patience, mais une réelle affection, j’en arrivais à admettre ses
arguments tout en pensant qu’ils étaient boiteux. Et pendant ce temps, Claire
triomphait, puisque c’était elle qui avait trouvé la bonne réponse. Au Mont-Dol,
cela avait été comme partout. Mais je savais très bien qu’à travers mes impertinences
et les fins de non-recevoir de l’abbé Gillard, il y avait quelque chose d’autre,
que j’ai compris seulement plus tard, quelque chose qui débouchait sur une
étonnante ascèse intellectuelle. Je dois beaucoup à ce modeste « Recteur
de Tréhorenteuc « qui avait cru au jeune présomptueux que j’étais alors. Il
m’a fait entrevoir que l’escalier qui mène en haut de la tour ne se trouve pas
forcément dans la tour elle-même.
    Peut-être que la longue quête que j’ai entreprise aux jours
les plus sombres de mon adolescence devait passer par le Mont-Dol, en ce mois
de septembre 1957. Plus j’y pense, plus j’en suis persuadé. J’ai mis trente ans
à revenir sur le plateau battu par les vents du Mont-Dol, près des grands
arbres majestueux qui puisent une force incroyable dans les entrailles de la
terre. Trente ans… Cette fois, c’est Môn que je conduisais sur ce tertre hanté
par les fantômes de mon passé, et par les spectres que sa présence faisait
surgir. Ce n’était plus la même chose. Et pourtant, c’était la même route que
je suivais. Et si c’était moi qui guidais Môn jusqu’au sommet, j’ai bien l’impression
que c’était elle qui prenait ma main et m’obligeait à regarder ce que je n’avais
pas vu la première fois. Une certitude demeure : il n’est pas possible de
parvenir réellement au Mont-Saint-Michel sans s’arrêter, ne fût-ce que l’instant
d’une méditation, sur l’étrange plateau du Mont-Dol.
    Ayant récupéré notre chauffeur, nous repartîmes à travers
les prairies qui sentaient le suint et le sel. La mer était présente partout, mais
il n’était pas possible de l’entrevoir tant la verdure était dense et tant la
mer se dérobait sur des rivages que rien ne limitait, pas même le ciel. Nous
passâmes le Couesnon. Cette fois, nous étions bel et bien en Normandie. Les
maisons de Pontorson me faisaient penser à une ville du nord de l’Europe, en
des pays que le froid fait surgir de la terre dans les creux des vallées, là où
le vent n’ose plus s’aventurer par crainte d’être dévoré par les gouffres de l’ombre.
Et nous allions justement vers le nord. Tout à coup, au détour de la route, en
face de nous, se dressa le fantôme d’une montagne surmontée d’un édifice
indescriptible qui se terminait par une pointe que j’imaginais immédiatement
être une proie rêvée pour la foudre. C’était donc ça, le Mont-Saint-Michel, cette
forteresse du fond des âges, qui grandissait au fur et à mesure que nous nous
en approchions. La digue prenait des allures de serpent. La mer ? Il n’y
avait pas de mer, mais des arènes monstrueuses qui engloutissaient les moindres
de mes pensées. Le Mont-Saint-Michel au Péril de la Mer avait pris possession
de mon âme, et je suivais des yeux la moindre échancrure que je pouvais
distinguer sur ses flancs tortueux que rien ne peut apaiser, pas même le
sourire d’un Ange chargé d’annoncer que le monde est redevenu le Paradis terrestre.
Ce que je voyais dépassait de beaucoup tout ce que j’avais pu imaginer, et, malgré
tout, ce n’était pas ce que j’avais enfoui au fond de moi. Le choc du rêve et
de la réalité me faisait mal. Qu’allais-je donc découvrir de terrifiant à l’intérieur
de cette enceinte qui rampait le long du rivage de l’île, grimpant et
redescendant soudain, comme une flamme subitement abandonnée aux caprices du
vent ?
    Ma première vision du Mont-Saint-Michel a été décevante, et
cependant magnifique. Dès la première porte franchie, je me sentis dans une de
ces villes que j’avais bâties en évoquant les
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