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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
Autoren: Jean Markale
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au-dessus d’un sanctuaire qui lui-même défie les lois les plus
élémentaires de l’équilibre et de la sagesse. Et l’on est bien obligé de se
poser une autre question : pourquoi a-t-on senti le besoin d’implanter là,
en cet endroit impossible, un sanctuaire aussi construit, aussi élaboré que l’abbaye
du Mont-Saint-Michel ?
    Cette question, je me la suis posée bien plus tard, un jour
d’automne de 1957, lorsque j’aperçus pour la première fois, de façon réelle, la
masse prodigieuse du Mont sur un ciel qui était à la limite de la brume et de l’azur.
Je n’avais pas pris les chemins habituels pour venir jusque-là. Je venais de
Brocéliande, qui était mon domaine, et hors duquel je m’aventurais très peu, sans
doute parce que je n’avais pas encore complètement maîtrisé les ombres que j’y
rencontrais dans les sentiers perdus et les chemins creux entre deux landes. C’était
l’abbé Gillard, celui qu’on ne connaissait que sous la bizarre appellation de « Recteur
de Tréhorenteuc », qui m’avait convié à l’accompagner dans son périple
pour découvrir les secrets et les symboles dispersés partout dans les églises
et les chapelles. Nous étions dans une vieille voiture que conduisait un autre
prêtre, l’abbé Gernigon, qui, à l’époque, était le vicaire-instituteur de
Néant-sur-Yvel. Et j’étais avec Claire, à qui j’avais, sans trop de mal, fait
partager ma folie pour le Moyen Âge et les errances à travers la forêt vers un
château du Graal toujours inaccessible, mais qu’on entrevoyait chaque jour
derrière de nouvelles frondaisons. Nous étions passés par Dinan où le spectacle
de la vieille ville – à l’époque pourtant bien peu mise en valeur – nous avait
plongés d’emblée dans ce passé médiéval que nous recherchions avec tant de
constance et d’acharnement. Dans les rues en pente de Dinan, des échoppes nous
tendaient des pièges, nous invitant à entrer dans le cœur de ces maisons
échappées au temps. Mais notre but n’était pas là : il fallait aller plus
loin.
    Une fois la Rance franchie, nous entrions dans un pays que
je ne connaissais guère, bien que ce fût un des visages essentiels de la
Bretagne. Les collines s’amenuisaient. Le bocage, toujours aussi verdoyant, devenait
plus mystérieux, plus mélancolique. Je songeais à Chateaubriand : je
voyais le nom de Combourg briller sur des pancartes, à la croisée des routes. J’imaginais
René quelque part dans ce paysage, la chevelure tourmentée par l’aquilon que je
sentais hurler tout autour, comme un animal prêt à bondir sur sa proie. Pourquoi
faut-il qu’en quelque endroit que j’aille, ce soient les souvenirs ou les
évocations littéraires qui l’emportent sur tous les autres ?
    Nous arrivâmes dans une plaine dont on ne distinguait pas
les contours. Mais il était visible que nous nous trouvions sur un sol
spongieux, difficilement arraché à la mer. Effectivement, nous aperçûmes la
flèche de la cathédrale de Dol, au milieu des marais asséchés, ces polders où
paissent des troupeaux paisibles, et que l’on distingue parfois le soir, lorsqu’ils
ameutent le ciel par leurs cris qui sont autant de prières pour que le soleil
renaisse le lendemain. Nous eûmes le temps de jeter un rapide coup d’œil sur le
sanctuaire gothique qui a remplacé l’antique abbatiale de saint Samson, au
temps où les Bretons avait fait de Dol la métropole religieuse de toute la
Bretagne. La beauté de l’architecture ne me fit pas oublier qu’elle est de
facture entièrement normande. Où est donc le style breton ? Dans le sud de
la Bretagne, c’est le style angevin qui domine. Dans le nord, c’est
incontestablement le style normand, même si les Bretons ont délaissé le
calcaire pour s’attaquer à un terrifiant granit qu’ils ont réussi malgré tout à
vaincre et à découper de manière surprenante. Bref, un peu ému parce que j’étais
au cœur même de l’église bretonne des temps anciens, je voulais aller encore
plus loin, et remonter les siècles. C’est pourquoi nous allâmes sur le Mont-Dol.
    Là, les traces du paganisme sont évidentes. On a beau avoir
sanctifié le lieu par une chapelle, une statue et une croix, le socle même
reflète des cultes bien antérieurs à l’Histoire, ou même à la Protohistoire. Le
site a été occupé par les peuples que, faute de mieux, on appelle les constructeurs
de mégalithes. Et s’il a été utilisé pour
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