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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
Autoren: Jean Markale
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La réunion se tenait à l’intérieur de l’abbaye, grâce
à l’hospitalité du Père de Senneville, prieur de cette communauté, à vrai dire
quelque peu artificielle, qui s’est installée depuis 1966 dans ce monastère
déchu, depuis près de deux siècles, de sa fonction primitive. Dans la salle – magnifiquement
restaurée – de Belle-Chaise, les poètes écoutaient de graves dissertations sur
le langage, dont ils se seraient volontiers passés, préférant sans doute la
lecture des poèmes eux-mêmes. Nous avions eu quelque difficulté avec les
représentants des Beaux-Arts, gestionnaires des lieux, parce que nous avions
avec nous le petit chien de Môn. On sait très bien que les animaux ne sont pas
admis dans les Monuments Historiques, à plus forte raison dans une abbaye. Que
deviennent alors le bœuf et l’âne de la crèche, et le Loup de saint François d’Assise ?
    Môn n’éprouvait aucune attirance particulière pour le
Mont-Saint-Michel. Elle y était déjà venue avant de me connaître et elle
pensait, d’une part, que le style gothique ne l’intéressait pas, d’autre part, que
le Mont était un lieu d’exploitation touristique qui valait, ni plus ni moins, les
autres sites du même genre en France et dans le monde. Je n’étais pas loin de
penser comme elle, mais, malgré tout, je me sentais en présence d’un site qui
était loin d’être expliqué et qui devait bien receler quelque secret ne pouvant
être divulgué à n’importe qui, sous prétexte qu’on a acquitté un droit d’entrée,
plus un droit de stationnement sur les grèves ou sur la digue, plus des taxes
fort onéreuses, mais vraisemblablement justifiées si l’on considère le soin
extrême avec lequel est entretenu le Mont-Saint-Michel.
    Par la suite, nous revîmes souvent la masse fantomatique du
Mont, mais dans le lointain, lorsque nous roulions à toute allure sur la voie
expresse qui relie Pontorson à Avranches, lorsque nous allions de Bretagne vers
Paris, ou de Paris vers la Bretagne en passant par les verdures normandes. Sur
certaines buttes franchies par la route, et où le vent nous fouettait
brutalement, comme pour attirer notre attention, le Mont se montrait à nous tel
qu’il était, c’est-à-dire comme un fantôme. Mais ce fantôme m’échappait
toujours.
    Il a fallu que je reprenne le périple originel. Les chemins
qui mènent à certains sanctuaires ne sont pas innombrables, et surtout, ils
sont jalonnés de signes qu’il est nécessaire de déchiffrer avant d’aller plus
loin. Je devais obligatoirement passer par le Mont-Dol pour pénétrer dans la
caverne où le Dragon est en dormition. J’y fus donc avec Môn. C’était la
première fois qu’elle montait sur ce tertre, et pourtant, je sus tout de suite
qu’elle connaissait mieux que moi les repères qui se dressaient sur notre route.
De la même façon qu’elle s’était jetée nue, un jour – la première fois qu’elle
avait atteint la clairière sacrée –, dans l’eau froide de la fontaine de
Barenton, en plein cœur de Brocéliande, Môn se dirigea dans les méandres du
Mont-Dol avec la sérénité et la promptitude d’une prophétesse qui connaît déjà
ce qui se trouve au détour du chemin. Elle fut la première à découvrir la
puissance monstrueuse des grands arbres qui jaillissent du rocher. Elle fut la
première à sentir l’énergie de la terre pénétrer tout son corps et se répandre
en longues ondes sur son visage de sphinx posant des énigmes à celui qui l’accompagnait.
Môn au visage de sphinx. Môn, la Sphynge qui
dévore ceux qui ne répondent pas à ses questions. Ce redoutable voisinage provoquait
en moi une rupture essentielle avec le monde d’où nous surgissions. J’étais
ailleurs. Sous la grande croix où l’on a représenté un crucifié famélique tout
juste bon à réveiller les fantasmes masochistes des adorateurs de l’horrible, je
me mis à délirer. Je n’étais plus moi-même, et ce n’était pas moi qui parlais. Je
me sentais transpercé par une énergie qui n’avait plus rien à voir avec l’humain,
quelque chose qui surgissait des entrailles de la terre et qui m’animait. Je ne
sais plus ce que j’ai raconté. Mais j’ai dû aller me calmer à l’autre extrémité
de la butte, là où la statue de la Vierge, Notre-Dame-de-l’Espérance, apaise
les angoisses de ses enfants qui veulent bien lui confier les turbulences qui
leur tordent le ventre. Là, j’ai compris enfin ce
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