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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers
Autoren: Jean-Paul Desprat
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poursuivre, me voici assuré du moins que vous n’avancez pas plus loin dans le crime.
    – Le crime ? se récria le duc qui, malgré sa surprise, était parvenu à conserver un maintien olympien.
    – Celui que l’on range parmi les plus scélérats, s’opiniâtra le chevalier.
    – Mais encore ! insista le prince en marchant sur son accusateur.
    – Ah, Altesse ! gémit le vieil homme en s’effondrant avec des larmes dans la voix, je me force en vain, je ne puis l’exprimer…
    Il eut un geste pathétique avant de se jeter à genoux et de prendre la main du duc.
    – Qu’on cesse donc de me parler par le rébus ! gronda celui-ci que l’effarement gagnait.
    – Altesse ! intervint monsieur Davignon en s’avançant de quelques pas, permettez-moi de poursuivre puisque j’ai intérêt dans cette affaire.
    Il croisa le regard de Madame qui s’apprêtait à protester.
    – Je vous en prie, fit-il en l’arrêtant d’un geste, il y a du nouveau depuis que j’ai parlé tout à l’heure.
    Le duc vint se placer face à l’oncle de Victor qu’il ne connaissait que pour l’avoir croisé quelquefois dans les galeries de Versailles. Il fit effort pour soutenir la flamme de son regard mais sentit aussitôt l’aimable ironie qu’il avait opposée à la colère du chevalier devenir impuissante.
    Pendant quelques secondes, le ronflement du feu dans la cheminée ne fut troublé que par le jappement d’un chiot et par le halètement du chevalier qui tentait, après son coup d’éclat, de ressaisir son souffle.
    – Je serai sans détour comme on doit l’être avec un prince éclairé pour l’avertir qu’il court un danger grave, dit enfin monsieur Davignon avant d’ajouter en se retournant vers la mère du duc : quant à vous, Altesse, je dois vous avertir que, par la nécessité où je suis d’évoquer certains débordements de feu Monsieur, je me prépare à chatouiller peu agréablement vos oreilles…
    – Allez ! fit la duchesse avec un accent de résignation, il y a longtemps que beaucoup de choses sont devenues publiques sur ce sujet et que l’Europe en a fait sa fable… C’était pourtant un bon père et il aurait été bon mari si de mauvaises gens ne l’avaient pas perverti.
    – Je crains malgré tout de surprendre, reprit le conseiller.
    – Quelle nouvelle noirceur serez-vous allé supposer ? reprit Madame en s’emportant… Vous ne m’aviez pas habituée tout à l’heure à débiter de ces lardons-là.
    – Je dis tout, Altesse… Monsieur, il y a vingt ans, a eu deux bâtards d’une femme de chambre du château de Saint-Cloud…
    – Mensonge ! tonna la princesse qui, se levant d’un bond, répandit tous ses chiots autour d’elle.
    – Je ne sais que parler raison, Altesse, objecta le conseiller, les documents que nous apportons et les dires de monsieur de Quatrebarbes établiront ce que je vais vous livrer.
    La duchesse, dressée près de son fauteuil et cachant tout l’âtre de son imposant profil, entreprit de déverser un torrent de larmes et de clameurs.
    – Me tromper comme il le faisait, hurlait-elle, je m’y étais résignée et je m’y résigne encore. Mais ce que vous dites, monsieur, je ne puis l’accepter… Qu’il y en ait une autre !… Non, ce n’est pas possible.
    – Madame ! implora le duc en s’emparant du bras de sa mère et en l’aidant à se rasseoir.
    Lorsqu’il l’eut tant bien que mal apaisée en lui murmurant quelques phrases à l’oreille, il se tourna vers monsieur Davignon resté impavide.
    – Et c’est pour nous servir ce ragoût que vous êtes venu en tête de tout ce monde ? lança-t-il en se départissant pour la première fois de son calme.
    Le conseiller l’arrêta net.
    – Prenez garde, Altesse ! ce ragoût, comme vous dites, répand à sa surface les fumerolles d’un poison… Votre père, c’est vrai, a conçu deux enfants. L’un, Brandelis, est mort au début de cette année faute de vrais secours et dans des circonstances dont je vous narrerai tantôt le détail. L’autre – et voilà qui devrait vous toucher – est Clémire de Grandville que vous gardez près de vous, dans cette maison, depuis plusieurs semaines… Elle est votre sœur !… Voyez l’exploitation que ceux qui ne rêvent que d’abaisser votre maison peuvent faire de ce singulier hasard.
    – Ma sœur, dites-vous… balbutia le prince d’un accent tout d’un coup rompu.
    Il s’assit sur le coin d’un magnifique bureau, offrant à tous le spectacle d’un
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