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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers
Autoren: Jean-Paul Desprat
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des deux frères, m’expliquerez-vous enfin la cause de cette fermentation ?
    – Ah ! Charles, répliqua l’abbé d’une voix pantelante, venez à mes côtés, je vais tout vous expliquer mais, de grâce, parlons au rabais 250 , épargnons l’innocence !…
    Tout en disant ces mots, il s’était mis à couvrir Victor d’un regard oscillant et effaré qui acheva de précipiter dans le tourment celui auquel il s’appliquait.
    On planta là la grotesque voiture, et ses quatre occupants, aux grands cris de Dubois resté dans sa calèche offert à tous les vents, passèrent dans le carrosse des Thésut. Le notaire, béatement installé, tâtait du doigt les capitons, effleurait la soie des rideaux, estimait la valeur du harnais, et ses yeux, pour ne rien perdre de tant de magnificence, roulaient comme des pierres dans le gros tourbillon d’un torrent. Victor, tandis que les Thésut restaient chacun pendus à une oreille de son oncle, faisait semblant de s’absorber dans la contemplation des faubourgs. La montée jusqu’au pont de Neuilly lui parut interminable. Il voyait courir les lèvres de ses mentors comme autant d’aiguilles acharnées à lui coudre un manteau d’infortune ; il percevait surtout l’impuissance navrée de son oncle dont le front se plissait un peu plus à chaque tour de roue.
    Dans le reflet de la glace contre laquelle il s’appuyait, il voyait, balayé par le long défilement des ormes branchus, s’affaisser le menton de maître Lendhormi que le regret de ses trois bécasses commençait de tenailler et clignoter le regard de Quatrebarbes que le jour effrayait ; puis, en surimpression et comme projetée par une lanterne magique reproduisant un rêve lointain, danser l’image de Clémire que l’avancée de l’équipage paraissait effrayer et faire fuir.
    Ils furent à trois heures devant la grille de la maison de Madame.
    – N’y a-t-il point ici monsieur Davignon ? demanda à la portière un sergent de mousquetaires gris qui venait de sortir d’une guérite.
    – Si fait ! dit le conseiller en passant la tête par la portière, je suis là.
    – Un homme de la chancellerie vous cherche, reprit le capitaine, il vient d’entrer au château.
    – C’est l’envoyé que Pontchartrain m’a promis hier, dit monsieur Davignon au chevalier, il vient certainement confirmer ce que vous venez de m’apprendre.
    La carrossée, dès l’allée franchie, se jeta dans le vestibule au beau milieu d’un flot de courtisans et de domestiques en émoi : le duc d’Orléans venait de faire annoncer par ses huissiers qu’il partait sur l’heure pour Villers-Cotterêts, ancien magnifique château de son père, où personne ne s’était rendu depuis plus de vingt ans. Force courtisans assemblés par pelotons raisonnaient sur le motif d’une décision si soudaine. Nul ne comprenait pourquoi, après s’être retirés de la cour depuis bientôt un mois, le prince et sa mère désiraient gagner cette demeure que quelques gens bien informés peignaient à peu près en château de Carabosse. Une noria de carrioles tirées par des bœufs pleins d’écume assaillait le perron. On dépendait à la hâte des tapisseries, on rangeait dans des manettes d’osier les restes de cuisine que le regrattier n’était pas passé prendre, on jetait des toiles noires par-dessus des cadres et des meubles entassés.
    – La Vieuville ! s’exclama monsieur Davignon, en avisant dans la foule un géant grave, en justaucorps aux manches à botte, qui paraissait chercher quelqu’un.
    – Monsieur le conseiller, enfin je vous raccroche, fit l’homme en s’inclinant avec un air de grand soulagement.
    – Avez-vous quelque chose pour moi ? demanda l’oncle de Victor.
    – Monsieur de Pontchartrain m’a fait venir ce matin dans son bureau…
    Et secret comme un coup de canon, il se hissa sur la pointe de ses bottes pour poursuivre sans rabaisser la voix :
    – … Il n’a pas pris le temps de vous écrire. Il vous demande seulement de vous fier à ce que je vous dirai. La chancellerie sait depuis bientôt un mois qui était ce Brandelis de Grandville au sujet duquel vous souhaitiez vous informer. On possède un rapport de Mareschal qui a procédé à l’autopsie du cadavre et qui a remarqué une marque tatouée au-dessus de la cuisse : un lys brisé d’un trait de bâtardise…
    – Alors ! fit le conseiller impatient.
    – Alors, reprit La Vieuville, comme il y avait de fortes présomptions que ce fût un bâtard
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