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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade
Autoren: Marianne Leconte
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mains avant de rejoindre le royaume des cieux. Malgré la souillure infligée par la présence et le contact de l’hérétique, c’était une personne pieuse qui s’était confessée récemment. Elle est heureuse désormais.
    Orpheline pour la deuxième fois. Une douleur violente lui broya la poitrine. Nauséeuse, Isabeau reconnut les premiers symptômes de la crise. Sueurs, tremblements et plongée dans le noir. Vierge Marie, pas ici, pas maintenant, pas devant ce monstre. Elle se cramponna à son prie-dieu pour ne pas tomber et s’agenouilla la tête dans les mains, comme si elle priait. Se forçant à respirer profondément et lentement, elle finit par recouvrer peu à peu la vue. Son mal de tête persistait, lui martelant les tempes. Depuis la mort de ses parents, elle était parfois sujette à ce genre de malaise, surtout lorsqu’elle était confrontée à des émotions trop fortes.
    L’Inquisiteur, les mains jointes, la fixait sans la voir, perdu dans ses pensées, attendant qu’elle reprenne ses esprits.
    Elle comprit alors que cette mort sonnait le glas de sa liberté. La tristesse céda la place à la colère :
    — Vous êtes responsable. Si vous n’aviez pas interdit la présence de Tchalaï…
    — Le chagrin t’égare, la coupa Alonso Jimenez d’une voix excédée. Cette sorcière a fait boire à ta tante une potion qui l’a empoisonnée. Elle en répondra devant Dieu. Malgré le malheur qui te frappe, ne sois pas ingrate. Dans son testament, ta marraine te laisse en dot un cinquième de ses biens afin que tu puisses entrer dans un excellent monastère réservé aux jeunes filles de la haute noblesse. Tu partiras demain matin, après la mise en terre. Ce soir, je te permets de participer à la veillée et au repas de deuil. Tu pourras ainsi prendre congé de tes proches.
    Cette tirade prononcée d’un ton ferme anéantit les derniers espoirs de la jeune fille. Il lui restait une mission à accomplir, porter la lettre à Myrin de Luz.
    Plongée dans ses réflexions, Isabeau s’aperçut avec retard que le Corbeau s’incrustait et la jaugeait. Sous le feu de ce regard, elle redressa les épaules et dit d’une voix hautaine :
    — Merci de m’avoir annoncé ces nouvelles avec toute la compassion d’un homme d’Église. Vous pouvez me laisser, je souhaite à présent me recueillir.
    Le prêcheur dominicain s’inclina, mais ne bougea pas d’un pouce.
    — Je m’en irai quand tu m’auras donné la missive que l’hérétique t’a confiée.
    Sûr de lui, il tendit la main. La dernière lettre d’une mère à sa fille. Que n’aurait-elle donné pour recevoir quelques mots de ses parents après leur mort. Elle faillit le supplier, mais la peur de nuire à Myrin l’en dissuada. Vaincue, Isabeau fouilla dans son corsage et lui remit le papier plié en quatre. L’ecclésiastique marmonna un vague remerciement avant de tourner les talons.
    Il fit quelques pas. Arrivé à la porte de la chapelle, il ralentit et ajouta :
    — Inutile de chercher à sortir de l’Alcazar cette nuit ; les gardes ont l’ordre de t’arrêter, même déguisée en garçon.
    Puis il sortit.
    Submergée par la rage, la jeune fille réalisa que le papillon noir avait disparu. Pas de nouveau danger en perspective. Elle ricana. Sa tante était morte, et Tchalaï allait subir le même sort. Le couvent était sans doute un moindre mal, mais elle ne parvenait pas à s’en persuader. L’enfermement lui semblait pire que la mort. Le diable emporte l’Inquisiteur. Il fallait qu’elle trouve un moyen de prévenir Myrin. Elle se tourna vers la Vierge à l’Enfant qui la couvait d’un regard bienveillant et se mit à prier.
     
    Un courant d’air réchauffa l’atmosphère et la ramena à la réalité. Quelqu’un venait d’entrer dans la chapelle. Sa relégation dans un couvent était désormais connue de tous. Elle était seule, sans amis, ni protection. Son oncle n’avait aucun intérêt à prendre sa défense. Isabeau se raidit sur son prie-Dieu, prête à se battre, avant de se rappeler qu’elle n’avait pas d’arme. Elle allait se lever pour affronter l’intrus quand une silhouette furtive s’agenouilla à ses côtés. Une voix amicale murmura :
    — Je suis à votre service, doña Isabeau. Si je peux vous aider de quelque façon, donnez vos ordres et j’obéirai.
    Surprise, elle s’efforça de contrôler ses larmes. Pedro l’observait d’un air compatissant. Sa peau mate, ses cheveux noirs et
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