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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade
Autoren: Marianne Leconte
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des épées, elle possédait un charme androgyne qui ne laissait personne indifférent. Ses grands yeux verts, sa chevelure blonde, son visage en amande lui offraient la touche féminine qui manquait à sa silhouette.
    — Tchalaï ! Je suis si heureuse que vous soyez là. Vous allez la sauver, n’est-ce pas ?
    La mine soucieuse du médecin refroidit son enthousiasme. Elle se tut, espérant malgré elle une réponse encourageante. Son interlocutrice soupira avant de murmurer :
    — Si seulement on était venu me chercher plus tôt.
    Isabeau vérifia qu’aucune servante ne pouvait l’entendre, avant de marmonner :
    — C’est cet oiseau noir de malheur. Il a interdit…
    — Je sais.
    Étonnée par la note de désespoir contenue dans la voix de son interlocutrice, la jeune fille examina le beau visage hâlé en quête d’une information. Mais les traits tirés ne trahissaient que fatigue et concentration. La guérisseuse détourna son regard vers le foyer qu’elle contempla quelques instants en silence, comme fascinée par le jeu des flammes. Quand elle reprit la parole, son ton autoritaire n’était plus qu’un murmure suppliant :
    — Il me reste peu de temps. Trouve-moi du papier et une plume. Je vais écrire une lettre pour Myrin. Tu iras lui porter dès la nuit tombée. N’oublie pas. C’est une question de vie ou de mort.
    Un grand papillon noir apparut devant les prunelles d’Isabeau. Un présage funeste. Elle venait d’avoir douze ans et tous les soirs, elle guettait le retour de ses parents depuis le chemin de ronde de la tour nord. Trois mois auparavant, ils étaient partis en pèlerinage à Compostelle. Dans le soleil couchant, un nuage de poussière. Une onde de joie gâchée par l’apparition du papillon noir. Bizarrement, il fait naître en elle une peur irraisonnée qui se transforme en terreur quand le convoi se rapproche des murs de l’Alcazar. Les étendards sont en berne. Le cheval blanc de son père chevauche en tête, solitaire, sans cavalier. Sans l’amour et les soins de dame de Luz, où serait-elle à présent ? Sans doute en train de rôtir dans les flammes de l’enfer.
    Tremblante, elle se dirigea vers une armoire volumineuse. Décrochant le trousseau de clés qui pendait à sa ceinture, elle ouvrit la porte de chêne et s’empara d’un rouleau de papier grège, de l’encrier, d’une plume taillée. Elle posa le tout sur la grande table centrale. Tchalaï commença à écrire sous l’œil perplexe d’Isabeau. Les mots couraient sur la page, mais leur sens échappait à la jeune fille dont l’esprit était obscurci par la présence du porte-queue maléfique.
    Le silence la sortit de sa torpeur. Le médecin prit la lettre, la relut, la signa de ses initiales, la plia en quatre et la tendit à son interlocutrice en disant :
    — Cache cette lettre sur toi jusqu’à la tombée de la nuit. La vie de ma fille en dépend. Quant à moi, je dois remonter près de doña Maria.
    Prise d’une impulsion, Isabeau se jeta dans ses bras et y resta blottie quelques minutes. L’accoucheuse se dégagea avec douceur et lui glissa une petite fiole dans la main en chuchotant :
    — Le temps des épreuves est arrivé pour toi aussi. Si quelqu’un en veut à ta vie, à ta vertu ou à ta liberté, verse une larme de ce liquide dans son breuvage ou dans sa nourriture. Souviens-toi, une larme, pas plus. Que le Tout Puissant te bénisse.
    Après le départ de son amie, la jeune fille glissa la fiole dans sa bourse, hésita un instant puis se rassit devant la grande table pour relire le message et l’apprendre par cœur. Il se terminait par un poème étrange qu’elle ne connaissait pas.
     
    Agenouillée devant la sculpture de la Vierge à l’Enfant, Isabeau ne priait pas, elle rêvassait. Il se dégageait du visage en bois peint une impression de douceur et de tendresse qui calmait son âme inquiète. Le menton posé sur le haut du prie-dieu, elle pensait à ses parents. Depuis leur mort, quand elle se sentait triste ou menacée, elle se réfugiait dans la chapelle Santa Maria dont elle aimait la simplicité et le dépouillement : murs de brique nus, coupole sans ornementations, dorures ou mosaïques. Aux pieds de la statue, un simple autel de pierre permettait au chapelain de dire la messe. Quand, au XIII e  siècle, ses ancêtres castillans avaient repris la cité aux Maures, leur première décision avait été de consacrer l’ancienne mosquée à la Vierge Marie pour
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