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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade
Autoren: Marianne Leconte
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retient plus dans ce lieu. Je veux rejoindre les miens.
    Isabeau se décida :
    — Vous connaissez son échoppe ?
    — Depuis l’interdiction de commercer avec les Juifs, j’y allais chercher des crèmes et des onguents pour notre maîtresse.
    — Voici les derniers mots de Tchalaï.
    Quand elle se tut après avoir répété fidèlement les paroles de la guérisseuse, Pedro fixait le vide d’un air étrange.
    Inquiète, elle regarda autour d’elle, mais ne vit rien qui pût expliquer la réaction de son confident.
    — Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
    D’une voix enrouée, il répondit :
    — Je les transmettrai mot à mot.
    Isabeau regarda le soldat avec perplexité. Pedro le converti semblait ému par le message de la guérisseuse. À moins qu’il ne soit bouleversé par son sort ? Elle se concentra sur le présent :
    — Dites à Myrin de fuir la ville sans tarder.
    Le maître d’armes acquiesça d’un mouvement de tête :
    — Grenade serait un refuge possible pour elle, du moins dans un premier temps…
    Il se leva et s’inclina devant la jeune fille pour prendre congé. Isabeau le retint par la manche de son pourpoint.
    — Si vous avez besoin d’un gîte sûr entre Jerez et Grenade, présentez-vous au couvent de Santo Domingo et demandez le prieur Diégo Guzman. C’est un cousin de ma mère. Il vous accueillera et vous protégera.

2
    Myrin
    L ES GARDES DE LA PORTE NORD , située dans la muraille qui séparait le palais de la cité, laissèrent passer le maître d’armes, non sans accompagner sa sortie de quelques quolibets. Pour ces soudards, toute virée nocturne impliquait l’existence d’une maîtresse. Enveloppé dans une houppelande bleu indigo qui dissimulait ses habits de voyage et ses sacoches où il avait fourré à la hâte ses affaires personnelles, Pedro leur répondit par quelques réparties insolentes. Il y était question de bâtards et de cornes. Une fois hors les murs de l’Alcazar, il lança son cheval au galop dans les ruelles sombres qui menaient au quartier juif.
    Ces mercenaires analphabètes avaient raison, songea-t-il en souriant intérieurement, il courait rejoindre une vieille connaissance. Il l’avait vue grandir dans l’ombre de sa mère, fillette délurée qui s’en allait cueillir fleurs et plantes médicinales le long des chemins. Elle les rapportait ensuite dans les cuisines de l’Alcazar. Là, perchée sur un grand tabouret, elle aidait sa génitrice à préparer les remèdes et les potions destinés à la pharmacie des châtelains. À la puberté, la gamine s’était transformée en une créature flamboyante qui fascinait et terrorisait les gens par la rousseur de sa chevelure. Pour les chrétiens, cette couleur était diabolique car elle symbolisait les flammes de l’enfer. Âgée aujourd’hui de dix-sept ans, comme Isabeau, elle sortait peu de son échoppe, se consacrant à son métier de guérisseuse. Difficile d’imaginer deux jeunes femmes plus différentes.
    Le soldat se portait avec d’autant plus d’ardeur au secours de Myrin que le message de Tchalaï avait réveillé des souvenirs oubliés depuis longtemps. C’était le jour de ses sept ans ; comme tous les soirs, sa mère était venue le border dans son lit. Habituellement elle lui apprenait comment vaincre les méchants djinns quand ils vous tourmentaient. La solution, occultée depuis la mort de son père, lui revint en mémoire. Il fallait, à l’en croire, traîner les démons dans la lumière et ils vous couvraient alors de cadeaux. Il sourit en se rappelant qu’enfant, il croyait dur comme fer à ces sornettes. Ce soir-là pourtant, elle avait changé de registre pour lui conter une vieille légende. Il n’en avait plus jamais entendu parler et voilà qu’une guérisseuse juive la rappelait à sa fille. Le manuscrit d’Abraham existait-il réellement ? Quelques semaines plus tard, il avait pour la première fois accompagné son père, un orfèvre, dans sa tournée. Le village où ils avaient passé la nuit avait été attaqué et incendié. Son père était mort et il n’avait jamais revu sa mère.
    En pensant à Myrin, un doute s’insinua dans son esprit. Accepterait-elle de gagner Grenade en sa compagnie ? Malgré son visage avenant, ses taches de son, ses yeux couleur de miel et ses talents de guérisseuse, la belle n’était pas facile. Une sorcière, comme sa mère !
    Cette pensée lui fit l’effet d’un seau d’eau glacé. Avant de quitter le
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