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Le Manuscrit de Grenade

Le Manuscrit de Grenade

Titel: Le Manuscrit de Grenade
Autoren: Marianne Leconte
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Inquisiteur va utiliser la mort de doña Maria pour provoquer un pogrom.
    Une pensée émue pour Bibi, Celle qui sait, apparue quelques minutes plus tôt dans son tirage. Son peuple devait prendre le chemin de l’exil. N’avait-il été élu que pour fuir de pays en pays ?
    — Laissez-moi quelques minutes pour rassembler mes affaires.
    Ses derniers doutes balayés, Myrin empoigna un sac en peau retournée, y jeta quelques vêtements, des objets personnels puis choisit des fioles et des sachets d’herbes médicinales sur les étagères.
    Pendant que la jeune femme sélectionnait les produits qu’elle voulait emporter, le soldat dit d’une voix où perçait une certaine émotion :
    — Doña Isabeau m’a confié un message oral pour vous. Dame de Luz l’avait écrit, mais le prêtre a intercepté le papier.
    Les dernières paroles de sa mère. Myrin frissonna. Elle n’était pas prête. Désireuse de gagner du temps, elle demanda :
    — Vous rentrez au palais ?
    — Je pars pour Grenade, ma ville natale.
    — Alors je vous accompagne, si cela vous convient. Vous me répéterez le contenu de cette lettre plus tard. Avant de partir, je dois prévenir mes voisins du danger qui les menace. Mon peuple doit se préparer à l’exil.
    — Nous n’avons pas le temps ! Le Grand Inquisiteur est un homme intelligent. Le message de Tchalaï va éveiller sa curiosité, et vous êtes la seule à pouvoir lui en donner la signification.
    L’émotion du guerrier était palpable, ainsi que son anxiété. Que savait-il ? Myrin faillit céder, mais l’image de la vieille Bibi s’imposa et elle se contint. Tout en dissimulant sa longue chevelure sous un châle qu’elle noua sur sa nuque, elle déclara :
    — Je vais tenir compte de vos conseils et aller réveiller le rabbin. Il s’occupera de son troupeau. Ensuite nous quitterons la cité par une porte dérobée que connaissent bien les bohémiens, les contrebandiers, les prostituées… Et mes coreligionnaires.
    Elle allait sortir quand il la retint par la manche. Pointant sa dague vers le cercle de tissu jaune cousu sur son épaule, il suggéra :
    — Mieux vaut l’enlever.
    — En êtes-vous sûr ? Si l’on découvre que je suis juive et que je ne porte pas la rouelle, vous savez ce qui m’attend.
    — Si les sbires de l’Inquisiteur vous attrapent, ce sera la torture et le bûcher. Vous n’avez pas le choix. Je suggère que nous voyagions comme mari et femme. Il vous faut christianiser votre prénom. Si l’on nous pose des questions, vous êtes mon épouse, Maria. N’oubliez pas, nous sommes tous deux des conversos . Les gens nous détestent suffisamment pour ne pas mettre en doute une telle affirmation. Qui se vanterait d’être né musulman dans ce pays catholique ?
     
    En proie à une rage froide qui durcissait ses traits, Alonso Jimenez regardait fixement le bout de papier qui le narguait depuis une heure. Après l’avoir arraché à la nièce du marquis, il l’avait rangé, attendant d’être seul pour en prendre connaissance.
    Obéissant aux devoirs de son sacerdoce, il avait assisté au repas de deuil où, selon la tradition, chaque habitant du château était invité à festoyer, quel que soit son rang ou son statut, du plus humble au plus important. Le cœur au bord des lèvres, le frère prêcheur s’était détourné des plats trop riches qui se succédaient. Poules et chapons aux épices de cannelle et de safran, agneaux enrobés de miel et rôtis à la broche, viandes taurines grillées au feu de bois. Les odeurs l’assaillaient avec violence, lui qui avait fait vœu de pauvreté. Autour de lui, tous se gobergeaient car un tel festin n’avait lieu qu’en cas de noces ou de deuils.
    Ensuite il avait animé la veillée funèbre jusque tard dans la nuit. Enfin il avait pu se réfugier dans ses appartements pour lire la lettre d’adieu de la sorcière. Banale en première lecture. Elle demandait manifestement à sa fille de prendre sa suite et de continuer à soigner les malades. Puis en réfléchissant sur la dernière phrase, le doute s’était insinué. Il avait consulté un certain nombre de livres, juifs, chrétiens et musulmans, sans trouver la moindre trace de cette prophétie.
    Sa haine des Juifs lui avait fait oublier que la précipitation peut être un défaut capital. L’hérétique ne pourrait plus lui donner d’explications. Elle était morte, empoisonnée par une de ses potions, avant d’atteindre le
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