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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor
Autoren: Mireille Calmel
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qu’il troubla ses prunelles d’un éclair sauvage. Instinctive, Aliénor rejeta son visage en arrière, lèvres offertes. Il la repoussa rudement, trop vite, brûlé au plus profond de sa chair par l’appel de ses sens. Il lui fallait apaiser le bouillonnement de son sang, ne pas la regarder. Souple, il s’assit sur la table et, saisissant une grappe de raisin qui traînait dans une coupe, y planta ses dents voracement. Aliénor en frémit jusqu’au creux des reins.
    Elle le regarda dévorer tandis que la vengeance revenait, lancinante, dans ses poings. Elle se planta devant lui.
    – Tu te moques bien que je sois malheureuse ! Tu ne m’aimes pas !
    – Mais si, je t’aime, lui répondit Raymond d’un ton qu’il voulait léger, ce qui eut pour effet de la faire trépigner davantage.
    – Pas comme je veux !
    – Tu ne sais pas ce que tu veux, répliqua-t-il.
    Sa voix était plus ferme, son sang s’apaisait lentement.
    – Tu es une enfant, Aliénor, ajouta-t-il en haussant les épaules.
    – Ce n’est pas vrai, regarde !
    D’un geste vif, elle arracha les lacets qui serraient son corsage, dénudant un petit sein blanc et rond. Surpris, Raymond poussa un grognement et détourna la tête. Décidément, cette chipie était prête à tout pour le mettre à bout ! Il ordonna :
    – Rajuste-toi ! Tu n’es pas une servante !
    – Je suis aussi jolie qu’Isabeau. Touche-moi, reprit la voix, enjôleuse à présent, terriblement sensuelle.
    Elle approcha sa poitrine nue de son épaule, s’enivrant de le sentir tressaillir.
    « Ne pas céder ! disait sa cervelle en fusion. Ne pas céder ! »
    La colère l’emporta. Raymond emprisonna la taille de l’impertinente entre ses cuisses musclées et entreprit de refermer le corsage.
    – Vois, tes charmes sont sans effet. Il te faut grandir un peu pour me plaire.
    Il fixa, imperturbable, tout au moins en apparence, les grands yeux fulminants jusqu’à ce qu’ils perdent de leur intensité. Aliénor sentit un sanglot lui nouer la gorge. Raymond se moquait d’elle. Il aimait la soumettre, la dominer du haut de sa vingtaine superbe.
    – Lâche-moi, gémit-elle, des larmes dans la voix.
    Il obtempéra. Elle se détourna, glacée, et lâcha d’une voix éteinte :
    – Je sais ce qu’il me reste à faire. Puisque personne ne veut de moi, je n’ai plus qu’à disparaître. Adieu !
    Raymond se retint de rire. Il hasarda :
    – Où vas-tu ?
    – Mourir, messire, lança-t-elle, très digne, en sortant de la pièce.
    Il s’attendrit, un sourire aux lèvres. Elle était si obstinée, tellement femme surtout. L’espace d’une seconde, il se demanda si cette entêtée n’était pas capable de se jeter dans le fleuve, juste pour le narguer. Il se dirigea vers la fenêtre du donjon depuis laquelle on pouvait voir les écuries. Un palefrenier était occupé à brosser la haquenée d’Aliénor. La jeune fille donnait des ordres, gesticulait, coléreuse. Au bout de quelques minutes, l’homme saisit une selle à haut pommeau, harnacha l’animal et aida Aliénor à monter. D’un coup sec du talon, elle éperonna sa monture, qui partit d’un trot vif jusqu’au pont-levis.
    C’était jour de marché à Bordeaux, et les abords du palais de l’Ombrière regorgeaient de monde, d’étalages aux senteurs les plus variées. Les artisans appelaient leur clientèle d’une voix forte, et Raymond entendait depuis la fenêtre ouverte des phrases sans queue ni tête tant les accents des uns finissaient ceux des autres. Aliénor traversa la foule à vive allure, prenant garde toutefois de ne renverser personne, saluant parfois qui l’interpellait.
    S’éloignant des faubourgs, elle prit le chemin qui conduisait vers Belin, à une dizaine de lieues de Bordeaux. Là se trouvait un monastère dont son père était le protecteur et qui servirait à merveille son plan.
    « C’est aujourd’hui ou jamais », pensa-t-elle.
     
    Raymond rongea son frein quelques instants, hésitant sur la conduite à tenir.
    « Si seulement Isabeau était dans les parages, songea-t-il, elle me ferait oublier cette chipie. »
    Mais Isabeau redoutait encore le courroux de sa jeune maîtresse et s’occupait le plus loin possible des appartements de la duchesse. Raymond était seul. Harcelé par l’envie de la poursuivre. Rageur contre lui-même, mais ne pouvant résister davantage, il dévala à son tour les escaliers, haletant comme un jeune cerf, et se dirigea d’un
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