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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor
Autoren: Mireille Calmel
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d’une grande générosité. Lorsque sa fille Mathilde s’était retrouvée veuve, le roi d’Angleterre avait vu en cet Angevin l’être d’exception duquel naîtrait son héritier. Affaibli et maladif depuis, le roi espérait de toutes ses maigres forces réconcilier l’Angleterre en proie à de nombreuses querelles à propos de sa succession. En 1127, il força la noblesse à reconnaître les droits au trône de Mathilde. Mais son arriviste de neveu, Étienne de Blois, n’attendait que sa mort pour s’emparer de cet héritage. Mathilde était sur le qui-vive. Elle savait qu’il lui faudrait une armée puissante face à celle d’Étienne de Blois, soutenu dans ses prétentions par le roi de France, Louis le Gros. L’Angleterre avait besoin d’un roi. Un roi tel qu’avait été Arthur.
    Depuis l’aube des temps, la Grande-Bretagne était sous la protection du savoir des druides qui veillaient à son unification. Pour Guenièvre de Grimwald, ma mère, descendante directe de Merlin l’Enchanteur, le fils que dame Mathilde venait de mettre au monde serait ce monarque qui marquerait le deuxième millénaire.
    Chaque jour, les visages défilaient au-dessus du berceau, ne manquant pas de constater la ressemblance entre le fils et le père : même tignasse flamboyante, et déjà cette corpulence massive qui augure des hommes forts et sains. Henri me plaisait.
    Dans la grande salle du donjon où des jonchées d’iris et de genêts étaient renouvelées chaque matin, tout était prétexte à ripaille. J’avais choisi la meilleure place : je m’activais au milieu des pages et des servantes, coupant les miches de pain, servant la soupe de lard et de pois, portant les poulardes, les pâtés, les chapons, les gibiers, les sauces, les entremets et les tartes avec Bernaude, me substituant même au bouteiller si j’y pouvais trouver quelque avantage. Ainsi, j’avais tout loisir d’observer sans être remarquée, me fondant avec grâce et un semblant d’indifférence au sein de l’assemblée. Baissant mon museau, je me posais là où la conversation paraissait intéressante et me hâtais vers d’autres lorsque l’on s’apercevait de mon indiscrétion.
    À ce jeu-là, j’étais passée maîtresse. J’avais été payée en retour.
    La veille, mère s’était éclipsée avant la fin du banquet, précédant de peu Mathilde, fatiguée par ses invités, et mon instinct m’avait soufflé que des choses importantes se passaient à l’étage.
    Parvenue au seuil du long corridor qui permettait d’accéder aux différentes ailes du bâtiment, j’étais passée sans hésitation derrière une tapisserie, empruntant le petit couloir qu’elle dissimulait. Obliquant sur la droite, je m’étais glissée à l’intérieur d’un boyau qui servait à l’aération des pièces centrales. La voix de mère m’avait confortée dans mon opinion. Elle se trouvait bien dans le cabinet secret de Mathilde. Là d’où rien de ce qui se disait ou se décidait ne devait transpirer.
    Il était question d’Etienne de Blois. Un frisson de dégoût m’avait parcourue, comme chaque fois que je le croisais. Je détestais cet homme.
    La voix de mère était ferme et décidée, d’une très grande noblesse :
    – Une alliance avec l’Aquitaine serait décisive pour contrarier les ambitions de cet impétueux ! D’autant plus que ses erreurs accumulées desservent sa cause auprès des barons. Il suffirait de peu pour remettre cet insolent à sa juste place. Si la couronne de France continue de rester d’une neutralité de bon ton, nous le moucherons grâce à ses maladresses, mais je crains le pire, Mathilde. Louis le Gros a trop d’ambition, et Blois lui est un allié fidèle. L’eau dormante est souvent une eau croupe. Rien ne vaut une rivière pour laver les salissures de la félonie.
    – Il est vrai que cette damoiselle Aliénor ressemble fort à son grand-père, avait répondu ma marraine en poussant un soupir dont je n’avais trop su s’il était de plaisir ou de regret. Guillaume le troubadour... Ah ! Guenièvre ! Avons-nous connu homme plus entêté, plus entier ? Sa petite-fille a le regard droit et fier de ceux qui n’hésitent pas à braver pour s’élever, même si son éducation lui a ôté cette insolence du verbe que son grand-père avait prompte. Elle sera sans nul doute une femme forte et responsable.
    – Comme vous l’êtes vous-même.
    – Certes. L’Angleterre ne doit pas devenir la patrie
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