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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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avec créneaux et échauguettes. Il désira tout le rebours en
faire une œuvre si belle qu’elle éblouirait l’Europe et ferait retentir son nom
dans les siècles futurs. Pour bâtir le château, Louis dépensa beaucoup de
pécunes, de temps, de rêve, d’études et aussi par malheur de vies humaines, car
pas moins d’une dizaine d’ouvriers mécaniques trouvèrent la mort dans cette
construction gigantesque. À la parfin, Louis détourna des fleuves pour donner à
Versailles à la fois le miroitement des eaux et une splendide végétation. Cependant,
il ne facilitait pas la vie à ceux qui le servaient, car la distance de Paris à
Versailles rendait nécessaires des allées et venues, longues et coûteuses. Je
dois dire qu’à cet égard Monsieur de Guron, qui comme toujours avait la tête
bien vissée sur ses épaules, me donna un conseil plein de bon sens.
    — Mon cher duc, dit-il, si vous ne voulez pas d’ores en
avant passer toute votre vie à chevaucher de Paris à Versailles et de
Versailles à Paris, en plus dans des encombrements de carrosses inextricables, vu
le nombre de courtisans et d’officiers de Sa Majesté qui emprunteront le même
chemin, il va falloir prendre une décision dramatique pour vous, celle de
vendre votre hôtel parisien et d’acheter à Versailles un bel hôtel, avant que
les prix ne haussent démesurément.
    Il avait raison, et bien que la vente de mon hôtel parisien
me déchirât le cœur, et plus encore celui de Catherine et des enfants, je me
décidai pour cette solution.
    Cependant, lecteur, vous ne pouvez pas ne pas deviner que la
dame du logis avait son mot à dire en ce domaine. Et Catherine m’en dit non pas
un, mais plusieurs, et avec véhémence.
    — C’est folie pure, dit-elle, de vendre de prime votre
hôtel parisien et d’acheter ensuite une maison à Versailles. C’est l’inverse
qu’il faut faire, achetez d’abord la maison de Versailles le plus vite qu’il se
peut, car il y aura foule d’officiers du roi et de ses proches serviteurs qui
voudront y loger aussi, de sorte que vous ne pourrez plus acheter quoi que ce
soit.
    À ouïr ce propos, je me demandais si les femmes n’étaient
pas plus douées que nous le sommes pour les affaires de la vie. Et la pensée me
vint qu’elles le seraient tout autant pour les affaires de la grande politique
si nous avions consenti à les en instruire.
    Je suivis donc les conseils de Catherine, et non sans lui
avoir fait visiter au préalable, j’achetai une charmante maison à Viroflay, à
une lieue de Versailles.
    Il va sans dire que je me gardai d’articuler en public
aucune des pensées que je viens de dire sur le gentil sesso, craignant les
clabauderies de la Cour sur ces paroles insensées, et bien entendu, je n’en dis
mot non plus à mon confesseur. Il m’aurait rappelé que le Seigneur avait
façonné les femmes pour qu’elles « enfantent » dans la douleur et
rien d’autre.

 
CHAPITRE XVII
    — Monsieur, un mot de grâce. J’aimerais que vous me
décriviez le sacre de Louis XIV, si du moins vous y avez assisté.
    — Étant duc et pair, je ne pouvais que je n’y fusse.
    — Et votre épouse ?
    — Mon épouse tomba providentiellement malade la veille
du sacre, ce qui lui permit de se soustraire à une cérémonie longuissime,
répétitive et ennuyeuse.
    — Monsieur ! C’est ainsi que vous parlez du sacre
de votre roi ?
    — Dont je suis un des plus fidèles serviteurs.
    — On dirait pourtant que ce sacre vous chiffonne.
    — Nenni, nenni. Je le crois nécessaire. À la minute
même où son père meurt, le dauphin acquiert la royauté, mais le sacre confère à
cette royauté « un caractère plus auguste, plus inviolable et plus
saint ».
    — Cette belle formule est-elle de vous, Monsieur ?
    — Nenni. Du roi lui-même.
    — Dès lors, pourquoi boudez-vous le sacre ?
    — Je ne le boude pas. Je rechigne.
    — Et pourquoi rechignez-vous, Monsieur ?
    — Parce que l’Église a démesurément allongé la
cérémonie. Plus courte, elle serait plus belle.
    — J’ai remarqué que vous êtes souvent critique à
l’égard de notre Sainte Église.
    — Je la vénère. Mais cela me chagrine que son
absolutisme l’ait conduite dans le passé à des décisions désastreuses.
    — Par exemple ?
    — Par exemple, elle a supprimé les étuves. Et en
savez-vous la raison ?
    — Nenni.
    — La voici. Dans ces étuves, d’accortes laveuses
savonnaient suavement le
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