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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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et sa sœur cadette, Élisabeth, qui fut remise
sur la Bidassoa au prince des Asturies, l’homme qu’elle n’avait jamais vu, dont
elle ne savait même pas la langue, et qui allait devenir son mari pour la vie.
    Belle lectrice, puis-je meshui faire briller dans vos beaux
yeux une lumière d’espoir ? Une seule fois, une guerre permit à l’exilée
de revoir sa famille. Voici comment il en alla. Lorsque Louis XIII
vainquit la Savoie et s’installa à Suse, il rencontra non seulement le duc de
Savoie, mais aussi son beau-frère le prince de Piémont, et sur les instances
pressantes de sa sœur, la princesse de Piémont laquelle, en son honneur, était
habillée magnifiquement. Elle fit de prime à son frère une belle génuflexion, à
laquelle il répondit par un profond salut, après quoi ils se jetèrent dans les
bras l’un de l’autre et s’étreignirent éperdument. D’aucuns des nôtres en
furent ébouriffés, mais Monsieur de Guron dit avec sagesse : « Le
protocole est fait pour le roi, et non le roi pour le protocole. »
    Je ne voudrais pas que vous croyiez que les princesses
étaient seules mécontentes de ces mariages aveugles qui ressemblaient fort à
une loterie. Les princes et les rois eux-mêmes épousaient des inconnues, et la
déception pour eux, au moment du mariage, pouvait être tout aussi amère et profonde.
    Tel fut, sans aucun doute, le sentiment de Louis XIV
quand pour la première fois il encontra Marie-Thérèse. On lui avait dit que
rien n’était si beau que l’infante. Hélas, il n’en était rien. Elle était fort
petite, le menton prognathe des Habsbourg, les dents gâtées assez, le nez fort,
le front très haut. Et elle était habillée à la mode espagnole, et c’est tout
dire, étant enchâssée dans une « garde-infante », entendez des jupes
montées sur des armatures métalliques qui, certes, la protégeaient des
outrages, mais en revanche rendaient sa démarche lourde et disgracieuse. Quant
à la coiffure, c’était un étrange mélange de rubans, de nœuds et de pendeloques
qui cachait, Dieu sait pourquoi, son véritable trésor : de splendides
cheveux blonds. Je ne sais si sa suite avait remarqué le mauvais effet que cet
échafaudage avait produit sur les aregardants, mais le soir Marie-Thérèse
portait pour coiffe un bonnet blanc qui ne l’embellissait pas davantage.
    La Bidassoa franchie, on se retrouva en France et, Dieu
merci, Anne d’Autriche, qui elle-même était passée par là, prit la pauvrette
sous son aile. Ce n’est pas que la vêture française plût fort à Marie-Thérèse,
qui se trouva quasiment étouffée par un étroit corps de baleine qui lui
amincissait la taille certes, mais avait surtout pour but de mettre les tétins
en valeur, lesquels, quoique juvéniles, étaient beaux. Grande compensation pour
ces tribulations et grande nouveauté aussi, sa vêture était constellée de
bijoux, de perles et de pierres précieuses, ornements entièrement déconnus en
Espagne. Après le souper du soir, dans la demeure d’Anne d’Autriche, et l’heure
fatidique s’approchant, elle fut prise de panique, et dit d’une voix trémulante
et les larmes lui coulant des yeux, grosses comme des pois : «  Es
muy temprano  » (il est trop tôt). Cependant, quand on vint lui
annoncer que le roi était déshabillé, le ton changea.
    —  Presto ! Presto ! dit-elle, qu’el rey m’espera [43] .
    On la mena jusqu’à la chambre nuptiale, on la déshabilla, on
lui ouvrit les courtines et on les referma sur le couple.
    Lecteur, vous le savez déjà, en de telles situations
Louis XIV ne ressemblait en rien à son père. On ne lui avait jamais appris
que le péché de chair menait tout droit à l’enfer. En revanche, les attentes,
les fièvres et les tumultes de l’amour lui étaient connus de longue date. Il
adorait le gentil sesso. Il savait l’adoucir par de longues caresses et
de douces paroles, et la suite inévitable de cet ococoulement ne ressemblait en
rien au forcement brutal d’une villageoise par un caïman des chemins.
    Je fus témoin de ce mariage, non ce qu’on appelle d’habitude
un témoin, mais ma connaissance de l’espagnol faisant de moi un inévitable
truchement entre le roi et la reine, et ce fut mon labeur de les suivre partout
(sauf toutefois derrière les courtines), et de les secourir dans leurs
conversations. Et bien je me ramentois encore à ce jour un petit pourmenoir [44] qu’ils firent le long de la
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