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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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lectrice, vous vous en doutez, un roi de France n’épouse
pas la nièce d’un cardinal. Le monde entier se gausserait de cette mésalliance.
    On se hâta donc de marier la caillette au prince de
Carignan, lequel était apparenté à la famille royale française. À ce sujet, nos
pimpésouées de cour furent d’avis que certes marier le roi, c’était merveille,
mais si la distance énorme des rangs entre le Pierrot et la Pierrette
l’interdisait, il restait que, pour une Italienne, marier un prince français
tenait déjà du miracle.
    Il était évident que l’amour du gentil sesso se
trouvait si profondément ancré dans le cœur et le corps du roi que le mieux
qu’on eût à faire, pour éviter des mariages clandestins, était de le marier au
plus vite au grand jour. La reine et Mazarin choisirent l’infante espagnole, et
s’en ouvrirent à son père, Philippe IV. Le choix s’imposait, car la France
et l’Espagne étaient en Europe les royaumes dominants et la guerre entre eux
continuait interminablement. On pouvait donc espérer qu’un mariage pourrait
ramener Louis XIV et Philippe IV d’Espagne du côté de la paix tant
désirée, et qu’aucun des deux dans sa morgue n’oserait demander.
    Par malheur, Philippe IV, tout en acceptant le projet
de mariage, voulut taquiner un peu la France. L’Espagnol lanterna, tant est que
Louis et Mazarin, pour le presser, feignirent de porter leur choix sur une fille
de la duchesse de Savoie. L’affaire pressait, car Louis, passant de la brime à
la blonde, s’était alors épris passionnément de Mademoiselle de La Motte
Argencourt, fille d’honneur de la reine. À la parfin la reine fit venir le roi
en ses appartements, lui chanta pouilles, lui dit, les larmes aux yeux, et le
tétin houleux, que cet amour était sans espoir : « S’écarter des
sentiers de l’innocence et de la vertu, dit-elle, est une mauvaise
chose. » Elle semblait oublier qu’elle-même y avait contribué en poussant
la Borgnesse dans le lit de son fils. Louis fit quelque résistance, mais la
reine, qui, toute bonne âme qu’elle fut, savait faire preuve de cynisme pour
parvenir à ses fins, l’emporta : de prime, elle accusa Mademoiselle de La
Motte Argencourt d’avoir un autre amant, ce qui était faux, et comme Louis en
doutait, elle serra la pauvre fille dans un couvent. Désirant survivre, la
belle eut assez d’esprit pour déclarer qu’elle était parfaitement à son aise
dans un couvent. Tant est qu’après le mariage du roi, on la libéra et elle
revint dans le monde, riche en oraisons et en désillusions.
    Philippe IV d’Espagne désirait ardemment en son for que
Louis XIV épousât sa fille, car lui aussi voulait la paix avec la France,
d’autant que l’or des Amériques ne suffisait plus à nourrir cette guerre
interminable. Mais étant de sa nature outrecuidant et plein de morgue, il avait
voulu lanterner le roi de France pour lui faire sentir qu’il était sinon plus
grand, à tout le moins aussi grand que lui.
    Louis, outré d’être traité d’une façon aussi cavalière, eût
voulu rompre, mais le cardinal Mazarin imagina, pour presser les choses, un
habile stratagème. Il organisa à Lyon une rencontre du roi avec sa cousine
germaine Marguerite Yolande, fille de la duchesse de Savoie. La caillette était
brune, bien faite et douce. Elle plut fort à Louis et, entrant dans le jeu, il
ne laissa pas de la voir souvent. Aussitôt la rumeur d’un mariage, encouragé
par le cardinal, entre les cousins de Savoie se répandit en Europe. Philippe IV
le sut, et oubliant son lanternement, entra dans ses coutumières fureurs et
s’écria «  Esto no puede ser, y no sera [42]  ».
    Il s’égarait fort s’il se croyait le maître de la situation.
Il n’avait pas le pouvoir d’empêcher l’union qu’il exécrait, et après ses
emportements, revenant au bon sens, il dépêcha le marquis Antonio Alonzo
Pimentel à Lyon. Le marquis remit en due forme à Louis une demande en mariage
aussi pressante que courtoise. Cependant si fort était l’amour que Louis
portait à Maria Mancini, qu’il subit encore bien des tourments avant de
renoncer à elle et d’accepter le mariage espagnol.
    Quant à Mazarin, il triomphait. Il signait le sept novembre
1659 avec les Espagnols un traité qui agrandissait prou le royaume de France.
Et complément nécessaire pour donner à cette paix plus de solidité, l’infante
Marie-Thérèse d’Espagne épousait
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