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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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m’infliger ?
    — Vous lui diriez que vous aimez votre prochain comme
vous-même, ce qui vous a amenée à quelques petits excès.
    — Monsieur, vous êtes un méchant. Je ne sais si je vais
vous aimer davantage. Votre bon roi se meurt, et vous n’avez en tête que des
paillardises.
    — Pardonnez-moi, Madame, le roi ne se meurt pas du
tout. Un de nos médecins a eu l’idée de lui administrer un émeutique, et
aussitôt, par la porte du haut comme par la porte du bas, Louis a rejeté
d’énormes quantités de matières noirâtres. Tant est qu’il est meshui, sinon
tout à fait rebiscoulé, à tout le moins sur le chemin de l’être.
    — Voilà, dit la princesse, une nouvelle
excellentissime. Merci mille fois, mon Dieu, pour nous avoir gardé un si bon
roi. Et d’autant plus que cette mort funeste eût été suivie d’une autre
calamité : l’accession au trône de son frère Philippe. Dieu ! Le Ciel
a eu raison de le faire naître après Louis. Mais ce que le Ciel a fait, le Ciel
peut le défaire, et l’aîné mort, donner le trône au cadet me paraît bien
dangereux.
    — Vous n’aimez donc pas Philippe ?
    — Tout au rebours, j’aime assez, comme disent nos
prêtres, « sa terrestre guenille ». Il a de beaux yeux noirs, des
boucles brunes toujours bien testonnées, et la bouche vermeille. Je dirais
cependant, avec tout mon respect, que Philippe a beaucoup plus à se glorifier
dans la chair que dans les mérangeoises. Quant à la volonté qui abonde chez son
aîné, elle est, chez Philippe, molle et vacillante.
    — M’amie, vous parlez si bien de Philippe que
j’aimerais ouïr votre avis sur le roi.
    — Si je le fais, vous ne manquerez pas d’être jaloux.
    — Je le suis donc déjà.
    — Eh bien, je dirai de prime que c’est le plus bel
homme et le mieux fait de son royaume.
    — Madame, vous vous avancez beaucoup. Connaissez-vous
tous les autres ?
    — Nenni, mais je me fie à ce qu’en disent mes amies.
    — Je me défie de ces témoignages. Pour les femmes,
l’être aimé est toujours le plus beau.
    — En ce qui me concerne, mon cher, c’est vous. Et je
placerais Louis en second.
    — Eh bien, décrivez-moi dès lors mon second.
    — Mais de prime, m’ami, asseyez-vous à mon chevet et
grattez-moi très légèrement le ventre qui me douloit, vous me ferez du bien.
    — Comme ceci, m’amie ?
    — C’est fort bien, mais gare si votre main s’égare.
    — Je la surveillerai.
    — Et vous ferez bien, car je me confesse demain à mon
jésuite, et je voudrais, pour une fois, ne pas avoir à lui avouer un péché de
chair.
    — De toute façon, s’il est jésuite il trouvera bien une
« opinion probable » pour vous le pardonner.
    — Monsieur, vous êtes si mécréant, que je suis meshui
tout à fait assurée que vous finirez en enfer.
    — Madame, si je vous y retrouve, l’enfer sera pour moi
un paradis.
    — Moi en enfer ! Moi qui donne tant de pécunes
chaque dimanche aux quêtes de mon curé, moi, je serais mise en enfer ?
    — M’amie, ce n’est pas votre curé qui décidera de votre
salut, mais Dieu. Madame, pardonnez-moi, nous nous égarons. Parlez-moi plutôt
de mon « second », puisque second il y a.
    — Notre roi est grand, bien fait, les jambes belles. Il
a l’air à la fois fier et agréable.
    — Agréable ?
    — C’est vrai qu’il est haut assez, mais en même temps
il y a dans son visage un je ne sais quoi que je trouve charmant. En outre il
danse à ravir. Il excelle en tous les jeux et exercices du corps. En outre, si
jeune qu’il soit, il sait déjà la guerre, et la fait bien, avec audace et
circonspection.
    — Voilà donc enfin un homme parfait !
    — Sauf, pourtant, qu’il est un peu trop sensible aux
charmes du gentil sesso.
    —  En quoi, Madame, il est humain, et cette
humanité le rapproche encore plus de ses sujets.
    — Monsieur, j’ai encore une question, mais je redoute
qu’en vous la posant, je vous donne à penser que je pourrais vous emprunter
quelques pécunes dont je n’ai nullement besoin, étant moi-même fort bien
garnie.
    — M’amie, posez votre question. Tout indiscrète qu’elle
soit je vous y répondrai, d’autant plus que, venant de vous, elle ne peut être
qu’amicale.
    — La voici. Êtes-vous riche ? Je vous dis tout de
suite que c’est simple et simplette curiosité car je n’ai pas le dessein de
vous emprunter pécunes et clicailles.
    — Madame, je vais vous
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