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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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est irrépressible, et
si même on l’opprime le jour, on ne saurait l’empêcher la nuit de s’épanouir.
C’est alors que la belle, son domestique étant couché, déclôt son huis à sa
bête, et avec sa bête danse joyeusement jusqu’à la pique du jour.
    — Serais-je donc, dis-je en souriant, avec vous la bête
que vous dites ?
    — Assurément ! Croyez-vous échapper à mes
griffes ?
    — Me donnerez-vous encore le temps de vous poser
question ?
    — Si elle est courte, oui.
    — Qu’est devenu le jeune de Vardes que j’ai confié à
vos soins, après la terrible entorse qu’il avait faite au protocole de
Louis XIII ?
    — Rien ! Il était mou à frémir. Le jour, il
dormait dans un de mes fauteuils. Et la nuit, jusqu’à midi, dans son lit. Tel
qu’il était, il plut à une riche Écossaise, qui l’a marié et emporté aussitôt
en Écosse. Je serais curieuse de savoir ce qu’elle a pu tirer de ce mollasson.
     
    *
    * *
     
    Grâce à Lady Markby, je n’attendis que deux jours et deux
nuits chez elle avant d’être reçu par le Lord-protector, comme Cromwell est
appelé céans. Son apparence ne me déçut pas. On était loin ici des perruques,
des dentelles et des perles de la Cour de France. Sa vêture était noire,
austère, fermée par un col blanc. Toutefois, au contraire du plus simple de ses
soldats, sa chevelure n’avait pas été sacrifiée à l’ascétisme puritain. Il la
portait longue, tombant jusqu’aux épaules. Le front était bombé, le menton
fort, le nez gros. Une moustache courte apparaissait sur sa lèvre, mais n’était
pas accompagnée d’une mouche sous la lèvre inférieure.
    Il me reçut debout, ce qui, je suppose, était une manière de
me faire comprendre que notre temps était compté. Il m’appela Lord d’Orbiou, je
l’appelai Lord-protector, et lui dis que le roi de France désirait resserrer
l’alliance qui unissait son royaume et la Grande-Bretagne contre notre ennemi
commun, l’Espagne. En conséquence, mon maître Louis XIV serait
reconnaissant au Lord-protector s’il envoyait quelques navires devant Dunkerque
pour bloquer l’Espagnol, tandis que le roi de France assiégeait la ville côté
terre.
    — My Lord d’Orbiou, dit Cromwell, cela est très
faisable, surtout si le roi de France voulait bien bannir de son royaume la
famille de Charles I er qui s’y est réfugiée.
    Cette requête m’embarrassa prou, car en la matière je
pouvais difficilement engager Louis sans l’avoir consulté. Toutefois, je
sentais aussi que, si je ne répondais pas, je perdrais la partie.
    — My Lord-protector, dis-je, il serait contraire à
l’hospitalité de la France de rejeter tout à fait ces personnes. En revanche,
si la proximité de ces personnes est une gêne pour vous, nous pourrons y
remédier, le roi de France pourrait les envoyer par exemple en royaume étranger
dans une ville que nous y possédons.
    — Et quelle serait cette ville ? dit Cromwell.
    — La forteresse de Pignerol en Italie.
    À mon sentiment, l’affaire était résolue, mais de toute
évidence elle ne l’était pas encore dans l’esprit de Cromwell.
    — My Lord d’Orbiou, reprit-il, accepteriez-vous qu’un
de mes secrétaires vous suive en France et accompagne ensuite les personnes que
nous avons dites jusqu’à Pignerol ?
    Je trouvai cette méfiance presque offensante, mais Cromwell
s’étant montré si roide en cette négociation, je jugeai que je serais bien malvenu
de regimber au dernier moment.
    — L’affaire, dis-je, ne souffre pas de difficulté.
    — Fort bien donc, dit le Lord-protector. L’affaire est
close et résolue. Nos navires feront dès demain le blocus devant Dunkerque, et
si une flotte espagnole vient à rescourre, nous la coulerons !
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot de grâce : Cromwell tint-il ses
promesses ?
    — Magnifiquement. Il dépêcha dès le lendemain dix-huit
vaisseaux pour le blocus marin de Dunkerque, et peu après Turenne investit la
ville. Les Espagnols des Pays-Bas dépêchèrent bien une armée de secours, mais
elle fut battue. Dunkerque capitula, et, selon nos promesses, fut remise aux
Anglais. Fort heureusement, un peu plus tard Charles II d’Angleterre,
ayant grand besoin de pécunes, nous revendit la ville et ses habitants pour
cinq millions de livres.
    — Qui parle ici par votre bouche ? Le duc d’Orbieu
ou l’auteur ?
    — L’auteur.
    — Tant mieux. Je n’aimerais pas que vous ayez le don
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