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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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que j’ai déjà noté ce détail révélateur.
    Naturellement il excellait en tous les exercices corporels.
Il jouait fort bien à la paume. Son escrime était excellente. Il dansait fort
bien et de façon si infatigable qu’il eût pu danser toute une nuit. Il aimait
aussi les arts, la musique, la peinture, la comédie, tout ce qui n’avait que
fort peu intéressé son père et son grand-père. Il aimait aussi l’architecture,
et fit du petit château de Versailles, bâti pauvrement par son père, le
chef-d’œuvre que l’on sait et que tous les rois d’Europe nous envièrent au
point de le vouloir imiter.
    Quant à la vêture, bien loin était le temps où Louis avait
dit à un pauvre provincial mal fagoté : « Marquis, comme vous voilà
fait ! » Des gentilshommes campagnards, pour être admis à Versailles,
vendaient leurs champs. Toutes les clicailles partaient en parfums, fards,
poudres, hauts talons, vertugadins et perruques. Il fallait être duc ou prince
pour qu’on vous donnât une chambre à coucher, et la Dieu merci, la princesse de
Guéméné en avait une.
    Le métier de courtisan était fort harassant, car il fallait
assister debout au lever du roi, debout à son déjeuner, debout à son dîner,
debout à son souper, les tabourets étant réservés aux duchesses et aux
princesses.
    Les lieux d’aisance, comme vous savez, n’existant pas, et
n’ayant pas été prévus par les architectes qui avaient construit Versailles,
les grands seigneurs étaient suivis d’un valet portant sous son mantel un pot.
Si le temps était beau, le parc offrait des bosquets où d’autres valets vous
tendaient un grand seau déjà à demi plein. Pour les dames, il fallait de force
forcée avoir une amie qui possédât une chambre au château. Si elles n’avaient
pas cette précieuse amie, elles se soulageaient dans quelque coin de l’immense
château. Des valets et des chambrières avaient pour mission, de l’aube à la
nuit, de parcourir les couloirs en épongeant les liquides. Cependant,
l’odeur persistait.
    Catherine ne vint qu’une fois à Versailles et c’était à mon
sentiment moins par intérêt pour l’architecture que pour user des privilèges du
tabouret réservé aux duchesses. Mais elle resta peu, tant le dévergognement des
dames de ce lieu la chiffonna. De retour en notre chacunière, elle donna libre
cours à son indignation. Tout y passa : le visage peinturluré de nos
pimpésouées de cour, les décolletés indécents qui laissaient voir la moitié des
tétins, les tailles indécemment serrées pour atteindre à la minceur imposée par
la mode, les faux-culs qui donnaient de l’ampleur à la croupière, laquelle
toutes ces dames dandinaient en marchant, pour citer mon épouse une deuxième
fois, « comme putains d’étuves ».
    Notez, belle lectrice, que Catherine n’avait jamais vu une
étuve de sa vie, l’Église les ayant fait supprimer avant même qu’elle naquît,
et ce fut grande pitié, lecteur, car si les Parisiens y gagnèrent en vertu, ils
y perdirent en propreté.
    Le premier mars 1658, bien je me rappelle mon encontre avec
le cardinal Mazarin. Il occupait meshui la place de Richelieu, mais ce n’était
pas le même occupant. Richelieu était Zeus olympien, la foudre en mains, l’œil
perçant, la parole brève et décisoire. Mazarin, lui, était suave, conciliant,
souple, éloquent, charmeur, ce pour quoi il plaisait tant aux dames de la Cour,
lesquelles eussent essayé de le capturer de leurs blanches mains, si la reine
ne les avait devancées, ce qu’elle exprimait devant la Cour en plaçant sa belle
main sur l’épaule de son ministre, ce qui voulait dire tout à la fois que
Mazarin était son sage mentor en la régence du royaume, mais aussi qu’il était
à elle, et malheur à l’impudente pimpésouée qui essayerait de le lui prendre.
    — Duc, dit Mazarin de sa voix à laquelle son italien
natal donnait une intonation chantante, ni la régente ni le jeune roi ignorent
les services admirables que votre grand-père, votre père et vous-même avez
rendus à nos rois, tant est que le nom d’Orbieu, à la Cour, est devenu synonyme
de fidélité.
    Après ce superbe éloge auquel je répondis par un grand
salut, mon genou touchant presque la terre, Mazarin reprit d’une voix plus
rapide :
    — Duc, voici ce qu’il en est. Les Espagnols, une fois
de plus, ont sailli des Pays-Bas, nous ont envahis, et se sont emparés de
Dunkerque. Je trouve
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