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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer
Autoren: Hervé Gagnon
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étaient derrière lui depuis longtemps déjà, mais il se tirait encore fort bien d’affaire, compensant par l’expérience la décrépitude de son corps. Face à un homme qui avait le tiers de son âge, ses coups étaient lourds, vifs et précis.
    Je repérai aisément les autres membres des Neuf. Jaume, Eudes, Raynal et Véran étaient de redoutables combattants. Pour les avoir vus affronter les hommes d’Evrart de Nanteroi, je savais déjà qu’Eudes et Raynal étaient tout en force. Plus petits, Jaume et Véran virevoltaient plutôt avec fluidité. Je reconnus sans difficulté le style des Sarrasins, que Montbard m’avait enseigné jadis, et compris que les deux avaient fait un long séjour en Terre sainte. Je réalisai que l’Ordre des Neuf n’acceptait en son sein que les meilleurs. Leur mission sacrée n’exigeait rien de moins. S’ils juraient de mourir pour protéger la Vérité, ils devaient surtout avoir toutes les chances de survivre. Je ressentis une grande fierté à l’idée que j’en faisais maintenant partie.
    Au milieu de la cour, un homme dépassait tous les autres d’une tête. Dans sa main droite, son épée volait tel un éclair, écartant celles des adversaires qui se dressaient devant lui. Son poing gauche semblait animé d’une volonté propre et frappait allègrement tous ceux qui se trouvaient sur sa trajectoire. Je m’esclaffai. Ugolin ressemblait à un petit garçon en plein jeu. Il n’était jamais plus heureux que lorsqu’il avait des adversaires à malementer et sa joie se mesurait à l’ampleur des dégâts qu’il causait.
    Une main se posa sur mon épaule gauche et la serra. Je me retournai, sachant déjà qu’elle appartenait au seul homme que je n’avais pas encore repéré parmi les combattants. Bertrand de Montbard souriant à pleines dents, son œil valide brillant d’envie de se lancer dans la mêlée.
    — Ha ! Voilà ce que j’appelle un entraînement ! s’écria-t-il. Par les cornes du diable, on va s’amuser ! Ugolin doit bien avoir laissé quelques hommes intacts !
    Il tira son épée avec enthousiasme et s’avança vers les combattants. J’allais le suivre lorsqu’un cri puissant retentit.
    —    Halte !
    Sire Ravier se détacha du lot et s’approcha. Le visage en sueur, la chevelure pêle-mêle, il était fatigué, mais tout sourire. Il s’inclina légèrement. Eudes, Raynal, Véran et Jaume quittèrent l’entraînement pour le rejoindre et nous saluèrent de la tête.
    —    Beaux frères, dit le Magister d’une voix juste assez forte pour que nous l’entendions, je suis heureux de vous voir enfin parmi nous. La Vérité peut ébranler les plus forts d’entre nous. Vous vous sentez mieux ?
    —    Autant que faire se peut, répondis-je en haussant les sourcils.
    —    Le temps arrange les choses. Soyez patients.
    Au même moment, un grand vacarme retentit derrière les templiers.
    —    Gondemar ! s’écria Ugolin, souriant comme un enfant devant un biscuit, en se frayant un chemin parmi les combattants. Te voilà enfin !
    Il écarta Eudes de son chemin comme s’il s’était agi d’un vulgaire fétu de paille, me saisit dans ses bras puissants, me souleva et m’écrasa contre lui. Il me reposa enfin, sous les regards ahuris des templiers, et me saisit par les épaules.
    —    Mais où donc étais-tu passé ?
    —    J’étais pris ailleurs, répondis-je en retrouvant mon souffle.
    Je brandis mon épée en souriant.
    —    Mais je suis là maintenant ! Tu veux te joindre à nous ?
    —    Avec plaisir ! Mes partenaires ne semblent pas très enthousiastes.
    Je me mis en garde devant Véran. Je désirais me mesurer à ce type d’adversaire qui m’était moins familier. Montbard, qui aimait les corps à corps virils et brutaux, choisit Raynal. Ugolin, lui, se retrouva devant Eudes, qui semblait impatient de venger l’affront que le géant lui avait involontairement fait subir en l’envoyant choir sur le derrière sans effort.
    Tel que je l’avais anticipé, Véran s’avéra agile comme un chat, rapide et persistant. Nous nous affrontâmes une trentaine de minutes sans faire de maître. À la fin, je fus surpris de constater que je soufflais comme un taureau. Mon cœur battait dans ma poitrine et dans mes oreilles. Mon corps me rappelait que je l’avais négligé depuis un mois. Lorsque nous nous interrompîmes enfin, d’un commun accord, réjouis et en sueur, je ne pus m’empêcher de lui
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