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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard
Autoren: Alain Pecunia
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Encore
aujourd’hui.
    Je m’efforçai de soutenir son regard et j’aurais bien aimé me
cacher derrière mon bol. Mais il était vide et je jouais avec le
couteau à trancher le pain.
    – Alors, si tu l’as lu, dit-il en reposant son bol sur la table
sans y avoir touché, qu’est-ce que tu en penses de cette hypothèse
que nous aurions pu être vendus ?
    – Vendus ! m’exclamai-je avec étonnement tout en ne cessant
de tripoter le couteau.
    – Oui, vendus, reprit-il.
    – Ça paraît absurde. Le jour de la libération de la ville, nous
avons joué de malchance. Personne ne pouvait prévoir qu’il y avait
une colonne allemande qui repliait par chez nous.
    – Sur ce point, tu as raison. Ce n’était pas son axe de repli
naturel. Il était plus à l’est. Mais, justement, les archives
allemandes ont révélé que cette colonne de la Wehrmacht avait reçu
l’ordre la veille de se dérouter sur nous car leur service de
renseignements avait eu vent de notre intention de prendre la
ville. En fait, elle aurait dû arriver au petit matin quasiment en
même temps que nous et nous surprendre. Mais elle a été retardée
par une embuscade de nuit.
    – Quel intérêt pour eux ? fis-je en haussant les épaules.
La ville ne présentait aucun intérêt stratégique en juin 44.
    – Exact. Mais l’ordre venait de haut. Parmi les cinq Boches que
nous avions faits prisonniers dans l’accrochage de mars et que nous
avons abattus lorsqu’ils ont tenté de fuir, il y avait un jeune
lieutenant, et c’était le fils d’une grosse légume de chez eux, le
général commandant les forces allemandes dans la région au moment
du Débarquement. Et c’est lui qui a fait ordonner ce mouvement en
ayant connaissance de nos projets, pour venger la mort de son
fils.
    – Je me souviens bien de ces Boches qui étaient tombés en panne
avec leur camion rempli de patates… Mais c’était à trente
kilomètres d’ici, sur la route de Monfort, et ils ne pouvaient pas
soupçonner précisément notre maquis. On était d’ailleurs hors
limite de notre champ d’action et c’est par hasard que les
Espagnols sont tombés sur eux en allant au ravitaillement. Tu te
souviens comme ils étaient contents, José et Manuel, de revenir
avec leur cargaison de patates et les cinq Boches ?
    Georges me laissait dire avec une lueur d’ironie dans le
regard.
    – Tu as entièrement raison. Ils ne pouvaient pas savoir.
Alors ?
    – Alors quoi ?
    – Comment l’ont-ils su ?
    – En tout cas, ce n’est pas un de chez nous qui a pu les
renseigner, fis-je en cessant de tripoter le couteau et en croisant
mes bras sur la table.
    – Là, tu as en partie raison, me dit-il avec satisfaction. Ils
l’ont su par la Milice d’ici.
    – Ah !
    – « Ah ! » Tu vois, Gilles, c’est ce que j’ai dit
aussi quand je l’ai appris. « Ah ! »… C’est là que
je me suis dit que ça devenait intéressant. Tu me comprends ?
fit-il en reprenant son bol et en le portant à hauteur de ses
lèvres.
    J’avais envie de lui répondre que c’était peut-être une
supposition ou une simple déduction de la Milice. Mais, pour
Georges, le « capitaine Marceau », c’eût été une réponse
décevante de ma part.
    – Tu penses que la Milice a été informée… et par quelqu’un de
proche du maquis ou un de nous ?
    – Oui. L’un de nous, automatiquement. Ou un des proches du
maquis, comme tu dis, mais, alors, il aurait été informé par l’un
de nous qui aurait trop bavardé. Ce qui revient au même.
    – Comment savoir avec la plupart de nos camarades qui sont
morts ? Nous ne sommes plus que deux !
    – Oui, tu as entièrement raison, fit Georges en reposant son bol
et consultant sa montre. Oh ! la la ! déjà huit heures et
demie… Il est temps que tu t’habilles.
     
     
     
     
    4
     
     
     
     
     
    Quand je suis redescendu à neuf heures dix, Georges faisait les
cent pas sur sa terrasse.
    Il avait passé une cravate rouge avec son costume gris perle et
portait ses décorations.
    Moi, sans aucune, je me sentais un peu nu. Les décorations,
c’est pas ce qui allait manquer aujourd’hui.
    – Pas mal, me dit-il en me jaugeant. Ta cravate bleue va bien
avec ton costume anthracite.
    Il consulta sa montre.
    – Bon, on y va. Allons rendre hommage à nos camarades. On leur
doit au moins ça, toi et moi.
     
     
     
     
    5
     
     
     
     
     
     
     
    Je ne m’étais pas attendu à une telle cérémonie ni à autant
d’assistance. Sans
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