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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard
Autoren: Alain Pecunia
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homme qui avait cessé d’être un ennemi par son
agonie.
    Gilles aurait pu partir – aurait dû. Mais un lien invisible le
retenait auprès du moribond. Comme si un homme ne devait pas mourir
seul.
    Les deux hommes restèrent ainsi face à face en une curieuse
communion.
    Une demi-heure plus tard, l’Allemand expira les yeux grands
ouverts et Gilles fut pris d’une colique qui lui tordit le ventre
pendant trois jours.
     
     
    Gilles n’avait jamais compris pourquoi ce vieux Feldwebel
s’était trouvé là, seul à cet endroit précis où il avait rencontré
son destin sous le masque d’un jeune maquisard qui avait l’âge
d’être son fils.
    Mais il fut fortement perturbé par cet épisode tragique et le
souvenir l’en obsédait encore soixante ans plus tard au point de
hanter ses nuits.
    C’était la première fois qu’il tuait un homme.
     
     
     
     
    2
     
     
     
     
     
    En prenant sa douche, Gilles se demanda s’il avait eu raison
d’accepter l’invitation du « capitaine ». Les
commémorations, ce n’était pas son truc. Il n’avait participé qu’à
celles de 45 et de l’année suivante. Ensuite, il n’avait plus
jamais remis les pieds dans cette sous-préfecture des bords de la
Loire, à la libération de laquelle il avait participé. Mais le
« capitaine » avait trouvé un argument choc :
    – Depuis la mort d’Émile et de Louis, il ne reste plus que toi
et moi pour représenter le maquis au soixantième anniversaire.
    Gilles n’était pas particulièrement emballé.
    – Tu leur dois au moins ça, avait ajouté le
« capitaine ».
    Gilles avait senti sa gorge se nouer.
    « Tu leur dois au moins ça », se répéta-t-il plusieurs
fois en se rasant.
    Qu’avait voulu dire Georges Corrin, alias « capitaine
Marceau » ?
    En passant la serviette sur ses joues, il contempla son visage
dans la glace. Celui d’un homme de soixante-dix-neuf ans.
Relativement bien conservé, se dit-il en relevant le menton et en
tournant la tête pour y constater l’étendue des dégâts.
    Suffisamment de rides « de caractère », mais pas trop.
Juste un début de double menton et une légère calvitie.
    Le poil poivre et sel, il n’y pouvait pas grand-chose. Se
contentant de couper ses cheveux très ras pour se donner un
« coup de jeune ».
    L’allure générale était satisfaisante et légèrement
grassouillette. À cause de ce putain d’anévrisme à l’aorte que le
toubib hésitait à opérer et qui lui interdisait de pratiquer une
activité sportive depuis deux ans.
    En tout cas, il était bien mieux conservé que Corrin et serait
en meilleur état que lui quand il aurait son âge. Le
« capitaine », à quatre-vingt-cinq ans, il était plutôt
mal-en-point. Le souffle court, le cholestérol, la tension, le
sucre… « Bibine et grande bouffe, oui ! » se
dit-il.
    Il reposa la serviette sur son support et se rembrunit
aussitôt.
    Au maquis, ils étaient vingt et un. Pas un de plus, pas un de
moins. Et, comme il était la dernière recrue, ses camarades le
surnommèrent « Vingt et unième ».
    Quatorze y étaient restés en ce maudit 15 août où ils avaient
décidé de libérer la ville.
    Le maquis n’avait eu que quatre blessés lors de l’attaque
surprise du château et de la section de la Wehrmacht qui y
cantonnait.
    L’unique mort du côté français fut alors un petit vieux qui
avait surgi à sa fenêtre en agitant un drapeau tricolore au plus
fort de la fusillade.
    Une balle perdue. Mais Gilles, qui se trouvait non loin du
balcon, n’avait pas compris pourquoi le petit vieux criait :
« Vive le Maréchal ! »
    Les Alliés étaient encore à une soixantaine de kilomètres plus
au nord et l’enthousiasme de la population fut mitigé tout au long
de la matinée. Puis, comme par enchantement, des drapeaux se mirent
à fleurir aux fenêtres et de plus en plus d’habitants vinrent à la
rencontre des « gars du maquis ».
    Peu après midi, un pique-nique fut improvisé sur la place
d’armes et seuls le « capitaine », son adjoint, les deux
Espagnols et Gilles ne s’empiffrèrent pas bien qu’ils fussent tout
autant affamés que leurs camarades.
    À quinze heures trente, c’était la débandade. Un détachement de
Boches remontant du Sud avait été signalé.
    Le jeune porteur de la nouvelle, hors d’haleine d’avoir pédalé
comme un dératé, s’était montré incapable d’en préciser le
nombre.
    Le curé de son village lui avait simplement
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