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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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t'aider...
    Plus que la lèpre, il arrive chez les hommes que le désarroi adopte une forme contagieuse.
    À l'initiative du colonel de Sereni, en cadence, les quatre cents hommes frappèrent du plat de leurs sabres les murs et les croix de pierre. Un bruit de tonnerre, comme toujours entre le fer et l'acier.
    C'était effrayant et très émouvant.
    Von Ploetzen avait été fort loin en des choses d'où l'on ne revient jamais mais il l'avait payé très cher, trouvant ses enfers ici-bas. La manifestation des soldats, après les paroles de Bamberg, l'appelait à vivre, à recommencer, à payer encore. Mais il ne le voulait pas ainsi et l'homme différent qu'il était devenu en cette dizaine de jours fut bouleversé de cette marque d'humanité venant de ses plus grands adversaires. Les soldats n'avaient peut-être pas l'agilité d'esprit des petits marquis de Cour mais eux, ils n'avaient pas perdu leur coeur en chemin. Et ils fondaient leur espérance en l'homme d'une manière qu'on pourrait définir ainsi : sa rédemption, si l'on croit en ce Dieu caché derrière les étoiles mortes; son rachat, si l'on croit plus simplement en la conscience.
    Von Ploetzen murmura « merci » puis les pitoyables yeux bleus demi-noyés de sang cherchèrent le regard de Bamberg. Pour l'éternité.
    Alors, d'un geste puissant et précis, il se planta l'os effilé en plein coeur et mourut avant de toucher terre.
    *

    Ils étaient quatre cents. Surarmés. Parmi eux, les meilleurs soldats du monde, les plus brillants officiers, le plus habile des généraux, un policier d'élite, un aventurier du Vatican dont la vie était un roman, une femme dont tous les hommes rêvaient ou rêveront un jour, des chevaux aux yeux fous, des armes par centaines, du fer, des plumes, du cuir, de la poudre et des rubans.
    Quatre cents !
    Et pourtant, emportant le corps de Von Ploetzen en deux capes nouées ensemble, ils s'en allaient en courant tête basse ainsi que des voleurs, des vaincus.
    Ils s'enfuyaient, beaucoup pour la première fois de leur vie.
    C'est que là-bas, sur l'autre mur du cimetière, lorsque Von Ploetzen s'était fiché l'os effilé en la poitrine, on entendit des cris affreux dont on ne savait s'ils venaient d'hommes, de singes ou de créatures fabuleuses.
    Peut-être certains des quatre cents pensèrent-ils qu'ils venaient de malades pleurant l'un des leurs. Et ces malades, rongés par la souffrance physique, on osait en plus leur imposer on ne sait trop quelle honte attachée à la nature de leur mal!... On voulait leur faire honte de leur état comme s'ils l'avaient choisi. On les jugeait, les repoussait, on s'écartait d'eux quand en pareil cas il n'est qu'une chose à faire : les soigner, qu'il s'agisse de la lèpre ou d'une autre maladie.
    Les quatre cents n'étaient certes pas les plus méchants des hommes, loin s'en faut, mais pour les cinq lépreux, ils tombaient mal.
    La dernière image que Bamberg emporta du cimetière fut celle des lépreux leur jetant des pierres et ses soldats, jusqu'ici toujours victorieux, de fuir en se protégeant la tête quand en quelques secondes, ils eussent pu balayer cette frêle opposition.
    Mais pas l'un d'eux ne songea à riposter contre les malheureux.
    Courant en tenant la main du général, Marion lui souffla :
    — Tout cela dépasse de beaucoup nos pauvres vies.
    — En leur donnant un sens ! répondit Bamberg.
    ***
    Si parfois, celles et ceux qui connurent l'action et l'aventure ont une certaine tristesse en le regard, cela tient aussi à la manière dont s'achèvent les choses.
    Cela est très comparable à l'amour. On est tout pour elle, ou pour lui, son soleil, son eau fraîche, son premier matin. On est la destination de ses pensées comme de ses rêves. Puis l'on n'est plus rien. Un ou une autre a pris votre place. Ce sourire qu'elle aimait tant, ces gestes qui la bouleversaient, ce regard qui la faisait chavirer : plus rien n'existe. Et quelquefois, on en conserve au coeur une douleur qui dure toute la vie.
    La disparition de tous les ennemis de Bamberg, la fin toute proche de l'escadron des Opérations Spéciales, l'adieu aux armes et à la guerre en Flandres, on avait beau le vouloir, cela mettait en l'âme comme un goût de cendres.
    Dans la caserne des gardes-françaises, entre eux, les dragons ouvraient parfois la bouche pour dire quelque chose, et renonçaient.
    Dans les dîners d'officiers, il n'en allait pas de même car on sentait qu'il était un peu tôt pour évoquer le
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