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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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1.
    DÉCEMBRE 1692...

    Ce jour maussade, où devait se dérouler un événement terrifiant et si grandement extraordinaire, ne semblait point se distinguer des autres si ce n'est en cela, peut-être, qu'il était le premier des quatre dimanches de l'Avent où l'Église prépare la célébration de Noël.
    Cette fin de journée paraissait donc semblable à celles, grises, mornes et pluvieuses, qui se succédaient dans le royaume des lys.
    Pourtant, en quelques instants, le ciel s'assombrit, virant au noir avec une inquiétante rapidité. Soudain, une bourrasque de grêle surprit les malheureux qui n'avaient su trouver un abri.
    Cet automne finissant s'avérait en tous points déplorable. Il pleuvait depuis des semaines presque sans interruption et la plupart des chemins se trouvaient si détrempés qu'on hésitait à s'y aventurer. Les routes elles-mêmes étaient sillonnées de profondes ornières où clapotait une eau boueuse si bien que les passagers des carrosses souffraient, craignant à chaque instant que la voiture ne verse.
    La grêle cessa bientôt, remplacée par une pluie glacée qui annonçait, en ce début de décembre, une nouvelle soirée froide et brumeuse.
    Nombreux, dans le royaume, étaient ceux qui voyaient une profonde similitude entre ce temps détestable et le règne déclinant de Louis le Quatorzième. La guerre, dite « guerre de la Ligue d'Augsbourg », allait entrer en sa sixième année. Ce n'était certes pas la plus meurtrière de ce règne sanglant mais elle devait tout de même se solder par 700 000 morts.
    L'armée royale comptait près de 300 000 hommes et on ne cessait de procéder à de nouvelles levées. Artisans, paysans et ouvriers arrachés à leurs activités appauvrissaient le pays et c'était autant de familles qu'on laissait en un cruel désarroi.
    La formidable puissance de la France en guerre contre toute l'Europe s'épuisait vainement et l'hiver qui s'annonçait d'une impitoyable et exceptionnelle rudesse terrorisait des millions de malheureux qui se savaient promis au froid, aux impôts exorbitants, aux épidémies, à la famine et à la mort.
    ***
    Haut perchés sur le donjon au toit en poivrière d'un vieux mais solide château, ceux qui paraissaient trois ouvriers s'appliquaient à la pose d'un dernier rang d'ardoises.
    Les chemises de toile, trempées, leur collaient à la peau mais ces hommes rudes ne semblaient pas même s'en apercevoir.
    Détail singulier : tous trois portaient de hautes bottes de cavalerie qui leur montaient aux genoux et l'on n'avait pas souvenir, en quelque lieu que ce fût du royaume, d'ouvriers si curieusement bottés.
    Celui qui se prénommait Tancrède présenta l'ultime ardoise. Du premier coup, le jugement se révélait juste, l'ardoise occupant aussitôt sa place exacte et l'on n'y pouvait rien redire tant l'alignement du rang paraissait parfait.
    C'était un homme de trente ans, grand et mince, les cheveux châtain clair, le visage osseux : pommettes saillantes, joues creusées, arête du nez vive. Un ensemble tourmenté mais d'un charme indéfinissable. On remarquait ainsi au premier instant, sous des paupières légèrement tombantes, l'intensité du regard. Des yeux sombres, presque noirs, fiévreux, aux aguets. Des yeux de loup qui convenaient parfaitement à ce grand corps maigre aux muscles longs qui ne formaient point de rondeurs comme on en voit aux portefaix, débardeurs et crocheteurs.
    Cependant, tandis qu'il observait ses deux camarades qui prenaient le relais, l'expression changea de manière stupéfiante.
    Ainsi, il ne parvint pas à retenir un sourire tout d'indulgence et de tendresse. Ce sourire lui composait un visage étonnamment juvénile, un visage d'enfant. En outre, dans sa dentition parfaite, on remarquait, au centre de la mâchoire supérieure, deux dents très écartées. D'aucuns songeaient que c'était une marque du diable quand d'autres, plutôt des femmes, trouvaient cela rare et plaisant, prétendant que c'était celle des amants de grande passion et qu'elle prédisposait au bonheur. Enfin, pendant ce bref instant, le regard changea également, le noir des yeux évoquant l'aspect des étoffes les plus douces, tel le velours.
    Mais tout cela fut très fugitif et bien habile qui l'eût pu surprendre.
    Le second ouvrier, cousin du précédent, était âgé de vingt-huit ans. Il se prénommait Hugo. Mince lui aussi, mais de taille plus modeste, on remarquait semblablement son regard acéré : bien que ses yeux
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