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Le chat botté

Le chat botté

Titel: Le chat botté
Autoren: Patrick Rambaud
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train de harceler Carnot ou Delormel pour obtenir des armes, des uniformes, un supplément de troupes ? Quand on lui refusait il criait : « Les ennemis seront plus généreux que vous ! » A dix heures du soir il arriva enfin à la mairie, presque en courant, suivi par le quatrième témoin, l’un de ses aides de camp, Lemarois, trop jeune pour remplir légalement cette fonction. Tant pis. Buonaparte secoua le commissaire par l’épaule : « Mariez-nous vite ! » L'autre lut les formules rituelles, les mariés et les témoins signèrent le registre que l’officier d’état civil contresigna le lendemain. Dans l’extrait des actes de mariage de ventôse an IV, on note que seuls les âges figurent et non les dates de naissance : Nabulione Buonaparte et Marie-Joséphine-Rose Detascher en avaient profité, elle s’était rajeunie de quatre ans et il se vieillissait de dix-huit mois. Puis chacun rentra de son côté. Rue Chantereine, le chien Fortuné dormait sur le lit. Il mordit Buonaparte à la jambe quand celui-ci voulut le chasser.
    Le surlendemain une chaise de poste se rangeait dans l’allée, devant la maison. Junot et Chauvet, l’ordonnateur des guerres qui devait mourir à Gênes au début du mois suivant, venaient chercher le nouveau généralissime de l’armée d’Italie. Des livres, des cartes, des malles, quarante-huit mille francs en louis d’or et cent mille francs en traites, tout était prêt. Buonaparte avait envoyé un mot au citoyen Delormel qui présidait en mars le Directoire :
    J’avais chargé le citoyen Barras d’instruire le Directoire exécutif de mon mariage avec la citoyenne Tascher Beauharnais. La confiance que m’a montrée le Directoire dans toutes les circonstances me fait un devoir de l’instruire de toutes mes actions. C'est un nouveau lien qui m’attache à la patrie; c’est un gage de plus de mes fermes résolutions de ne trouver de salut que dans la République.
    Salut et respect.
    Les adieux à Joséphine sont brefs. Buonaparte s’en va. Il traverse Provins, Nogent, Troyes, s’arrête à Châtillon-sur-Seine chez les parents de son ami Marmont d’où il envoie une première lettre à sa femme. Le 14, dans une auberge de Chanceaux, il lui écrit une nouvelle lettre, encore adressée à la citoyenne Beauharnais :
    Je t’ai écrit de Châtillon et je t’ai envoyé une procuration pour que tu touches différentes sommes qui me reviennent. Ce doit être 70 louis en numéraire, 15 000 livres en assignats...
    Ensuite il montre sa méfiance. Cet amoureux éperdu est un jaloux. Il craint de laisser Joséphine seule à Paris : « Ah ! ne sois pas gaie, mais un peu mélancolique... » Il l’imagine déjà en train de s’amuser et lui reproche par avance de danser sans lui : « Tu es légère et dès lors tu n’es affectée par aucun sentiment profond. » Il porte le médaillon qu’elle lui a offert après leur première nuit. Ce ne sont pas les élans et les doutes du général qui illuminent cette lettre, mais la signature. Pour la première fois il a francisé son nom. Il va dorénavant s’appeler Bonaparte.
    Trouville, 11 mars 2006

NOTES ET PROPOS

    LE 9 THERMIDOR DE L'AN II QUAND S'OUVRE CE ROMAN,

    Quelques précisions
    • A propos des origines grecques de Napoléon, dans un numéro des Etudes napoléoniennes daté de 1924, René Puaux, un expert, cite entre autres preuves un extrait des mémoires d’Aspasie Calimeri, né en 1770 et morte presque centenaire à Athènes :
    Mon grand-père, Agésilas Calimeri, pirate du détroit de Messine jusqu’au cap Matapan, me disait souvent que, lorsque je serais grande, nous irions en Corse où nous avions des biens et nous nous y installerions, comme s’y était installé son neveu Charles Bonaparte.
    • Le véritable Directeur, à la place de mon personnage fictif, Delormel, se nommait Letourneur. Je l’ai éliminé parce qu’il était nettement moins intéressant que les autres; toutefois, cela m’a privé d’une anecdote. Très avare, quand il sortait des dîners offerts par Barras au Luxembourg, Letourneur pouvait récupérer un gigot entamé, un pâté, quelques bouteilles. Les Parisiens colportaient à son sujet une histoire amusante et grotesque. En Normandie, il fréquentait un autre radin de son espèce. Une nuit, comme ils bavardaient à la bougie, l’hôte proposa : « Mon cher Letourneur, soufflons la bougie, nous n’avons qu’à parler. » Sitôt leur conversation terminée, on ralluma pour se
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