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Le chat botté

Le chat botté

Titel: Le chat botté
Autoren: Patrick Rambaud
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exaucer...
    — Vous le devez.
    — Dites-moi...
    — Il faut revigorer ma future armée qui végète à Nice. Payer les soldes.
    — Houlà!
    — Donner aux hommes de la viande salée, et de la fraîche tous les cinq jours.
    — Vraiment ?
    — Prévoir quarante mille quintaux de foin.
    — Tant que ça ?
    — C'est à peine un mois de fourrage. Et mon artillerie a besoin de mille six cents mulets.
    — Exorbitant!
    — Lancez un emprunt forcé pour approvisionner Nice.
    — Je l’ai fait à Marseille et à Toulon...
    — Débrouillez-vous, Delormel. Une fois en Italie je me paierai sur l’ennemi, vous n’aurez plus rien à débourser. Je vous enverrai même de l’or. C'est le but de cette campagne, si j’ai bien compris.
    — Je ferai tout mon possible, général.
    — J’espère bien! Autre sujet. Je voudrais emmener le jeune homme que vous hébergez. Pour mon secrétariat.
    — Voudra-t-il ?
    — Faites-le venir.
    — Nicolas !
    — Monsieur ? dit le majordome en faction derrière la porte.
    — Monsieur Saint-Aubin n’est pas sorti ?
    — Il est à l’étage.
    — Demandez-lui de nous rejoindre.
    Delormel et Buonaparte restèrent face à face sans ajouter un mot. L'un regardait le lustre et l’autre le mur. Le général se retourna quand il entendit Saint-Aubin pousser la porte :
    — Tu as remis ton costume d’olibrius ?
    — En souvenir d’un ami dont je porte le deuil.
    Il avait de nouveau les cheveux tressés en cadenettes, une cravate verte enroulée jusqu’au menton, une redingote à rayures roses et aux basques démesurées qui avait appartenu à Dussault. Sa voix tremblait :
    — Que me voulez-vous ?
    — Suis-moi en Italie. Tu sais écrire sous ma dictée.
    — Non.
    Buonaparte se leva, il se planta devant le jeune homme :
    — Tu n’as pas le choix. Tu refuses ? Je t’envoie à l’armée du Rhin. Réfléchis. Demain matin mon aide de camp vient te chercher, ou les gendarmes. Je veux ta réponse dans la soirée.
    — Non.
    — Tu ne peux plus t’enfuir. Je vais laisser mon escorte surveiller cet hôtel.
    — Je m’enfuirai quand même.
    — Présomptueux ! Tiens, quand tu seras à l’armée du Rhin, tu te souviendras de Saint-Roch.
    Buonaparte tendit le fameux pistolet, Saint-Aubin le prit et visa le général.
    — Il n’est pas chargé.
    — J’ai de quoi le charger.
    — Réfléchis.
    Saint-Aubin quitta le salon. Buonaparte et Delormel l’entendirent grimper l’escalier principal.
    — Tête de bourrique!
    Buonaparte mit son chapeau à plumes d’un geste rageur. Delormel l’accompagna en personne jusqu’à sa calèche. Comme ils traversaient la cour, il y eut un coup de feu à l’étage, puis un long cri désolant, un cri de femme, puis un remue-ménage dans tout l’hôtel.
    — Rosalie... dit Delormel.
    — Si elle crie c’est qu’elle vit.
    — Saint-Aubin...
    — Le jeune idiot s’est tué. Votre majordome arrive en courant pour vous l’apprendre.
    Au moment où Nicolas, affolé, était à leur hauteur, Buonaparte rentra dans sa calèche en pestant :
    — Petit imbécile !
    Joséphine et Napoléon se marièrent un mercredi 9 mars. Il faisait froid. Il pleuvait. Les futurs époux avaient rendez-vous à huit heures du soir, après le dîner, dans un salon de la mairie du II e arrondissement, 3, rue d’Antin, cet hôtel de Mondragon aux plafonds tarabiscotés, avec des miroirs, des angelots, des motifs mythologiques qui compliquaient le dessus des portes. Buonaparte n’arrivait pas. Barras et les témoins faisaient les cent pas. Joséphine s’assit devant le feu. Elle portait une robe de mousseline blanche semée de fleurs bleues, blanches et rouges, et une guirlande dans les cheveux. Elle avait obéi à Barras. La semaine précédente, son ami Etienne Calmelet, homme de loi, l’avait accompagnée chez le notaire pour affirmer sur l’honneur qu’elle était bien née à la Martinique, et qu’on ne pouvait récupérer un acte de baptême dans une île occupée par les Anglais. Le notaire en avait profité pour conseiller un mariage plus raisonnable, avec un fournisseur aux armées, par exemple, qui vaudrait son pesant de millions. Elle avait tenu bon.
    Une heure passa. Une heure et demie. On s’inquiétait en silence. Avait-il oublié, le général? L'officier d’état civil était parti se coucher, un commissaire du Directoire le remplaça; il s’endormit sur sa chaise devant le registre ouvert. On changea les chandelles des bougeoirs. Buonaparte était-il en
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