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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3
Autoren: Mireille Calmel
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chaleur et de colère. Il avait de bonnes raisons de l'être. Non seulement il avait été ridiculisé, mais il s'était fait remarquer de la plus méchante des manières par un de ces hospitaliers qu'il aurait dû plus sûrement séduire, s'il voulait approcher le prince Djem.
    — Vous voici bien essoufflé, père, le cueillit la voix cristalline de sa fille.
    La jeune Marie venait à l'instant de quitter Philippine de Sassenage et de rentrer, rassurée de l'aide que sa voisine avait promis de lui apporter.
    Conan de Dreux s'adoucit devant son minois rieur et délicat. Ses poings serrés se détendirent tandis qu'elle s'approchait. Deux épouses successives l'avaient laissé sans héritier. La troisième lui avait finalement donné un fils, puis Marie, avant de se découvrir impropre à procréer de nouveau. Si heureux qu'il ait pu être en négoce, Conan de Dreux jouait de malchance avec sa lignée. Il avait envoyé Marie au couvent de Saint-Just-de-Claix sur les vœux de sa mère alors que l'aîné, Baptiste, partait pour Nice négocier la vente de draps. Arrivé là-bas, il y avait contracté la mort noire et n'avait eu que le temps de leur dépêcher un billet pour le leur annoncer, avant de s'éteindre dans sa dix-septième année. Depuis, le drapier s'était enfermé dans une morgue hautaine et une cupidité sans égale pour grandir en pouvoir et en richesse, comme si seule une ambition démesurée pouvait compenser son malheur. Lorsque Marie était revenue de Saint-Just, sa douleur s'était apaisée. Rieuse, chantonnant sans cesse, sa fille était un rayon de soleil dans la maison. Même sa mère, inconsolable comme lui de la mort de Baptiste, avait recouvré un peu de gaieté.
    Lui gardant le bras qu'elle avait enroulé autour du sien, Conan dépassa le hall d'entrée qui faisait face à un double escalier de marbre et se dirigea vers la grande salle d'apparat, dans laquelle il s'enorgueillissait de recevoir toute la noblesse de la contrée.
    — N'y a-t-il donc aucun domestique dans cette maison ? Je meurs de soif, grogna-t-il.
    — Asseyez-vous, mon père, je vais quérir un laquais. Les premières feuilles de verveine ont été ramassées ce matin. La tisane a été mise à infuser à la cave pour la garder bien fraîche. En voulez-vous un verre pour vous désaltérer ?
    Tant de sollicitude émut le drapier qui s'abandonna au faudesteuil vers lequel elle l'avait entraîné. Celui qui l'épouserait serait bien inspiré, songea-t-il en lui coulant un regard de biais.
    — Va, ma fille, va… accepta-t-il avec reconnaissance.
    Marie vouait une sincère affection à son père, d'autant plus qu'à l'inverse de sa mère il n'avait émis aucune objection à la voir revenir chez eux lorsque la grande abbesse de Saint-Just leur avait signifié que, leur fille n'éprouvant aucune vocation monacale, elle se refusait à la contraindre de rester.
    Marie l'avait trouvé aigri avec tous, sauf avec elle. Lors, se libérant de sa propre tristesse eu égard à la mort de son frère, la jouvencelle s'employait chaque jour à tenter de réveiller en son père la bonhomie qu'il avait perdue. Pressée de le contenter, l'âme redevenue légère de sa complicité avec Philippine de Sassenage, elle se hâta vers la cuisine où elle savait trouver l'intendante de la maison.
    Resté seul dans la vaste pièce aux trois fenêtres à meneaux, Conan de Dreux porta la main à sa ceinture, détacha sa besace et la soupesa comme il l'avait fait déjà lorsqu'on la lui avait remise, quelques heures plus tôt. Les écus sonnèrent en s'entrechoquant dans sa paume ouverte.
    Fi des remords ! Assurément, il tenait là une bonne rente. Il lui suffisait d'oublier ses principes vieillots. Pas un seul de ses concurrents ne s'en serait embarrassé. S'il n'y avait pas eu cette déconvenue sur le pont, cela aurait même pu se révéler facile. Très facile.
    Il soupira avant de renverser sa nuque contre le rembourrage tapissé du dossier. Il allait devoir ruser. Éviter de se retrouver face à ce chevalier pour n'être pas soupçonné. Car s'il échouait…
    Un frisson lui glaça l'échine au souvenir du visage taillé à la serpe du Génois qu'il avait rejoint à l'aube dans une chapelle isolée de la contrée. Dans le décharnement de ses traits pâles, ses yeux globuleux frangés de cils longs et épais avaient semblé à Conan ceux d'une mouche gigantesque. Si prompts à rouler de gauche et de droite que le drapier en avait été
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