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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3
Autoren: Mireille Calmel
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La poignée en était incrustée de rubis et de diamants rappelant ses autres bijoux de cou, d'oreilles, de vêtements et de chapeau à plumes. Il maintenait sa barbe taillée en fer de lance, masquant ainsi l'arête un peu trop saillante de son menton volontaire. Mais plus que le reste, ce qui frappait dans son allure c'était la couleur peu commune de ses yeux, d'un bleu si profond et si lumineux que l'azur lui-même semblait pâle à s'y refléter.
    Si on l'acclama tout le long des rues étroites, il en fut tout autant de sa suite. Ses compagnons qui le talonnaient, Nassouh le Tchélébi au côté d'Anwar son frère de lait, puis, dans l'ordre d'apparition, son cadilecher, ses accanguis, ses janissaires trop peu nombreux depuis cette mémorable bataille qui avait vu, par la trahison de Mounia, sa garde défaite. Suivaient ses esclaves au nombre de douze et ses femmes enfin dans une litière décorée de voiles, cachées derrière les volets soigneusement fermés. Leur passage amena du mystère sur leur équipée.
    Oui, ce fut une belle procession. Djem tenait les yeux levés vers les façades et son cœur tressautait chaque fois qu'il lui semblait reconnaître la silhouette de Philippine.
    — Voyez donc à votre droite, nos amis de Sassenage, dit enfin Guy de Blanchefort qui chevauchait toujours à ses côtés et les repéra le premier.
    Sans doute parce que Philibert de Montoison avait levé une main gantée de cuir pour répondre au salut que lui avait adressé Louis, planté sur son balcon.
    Djem suivit la ligne des balustres. Accorda un signe de tête au baron Jacques et à son épouse Sidonie, un autre à Louis et François, avant de se liquéfier devant la beauté de Philippine qui avait posé ses mains fines sur le bois pour s'approcher au plus près du bord et mieux le regarder. Il ne devait pas s'attarder sur elle ni elle sur lui. Ils se l'étaient promis pour ne rien dévoiler de leur affection mutuelle. Mais il ne parvenait à détacher ses yeux des siens où se lisait tout le manque que ces quelques jours de séparation y avaient laissé.
    — Philibert de Montoison a fait un heureux choix. N'est-elle pas merveilleuse ? s'exclama Guy de Blanchefort, qui tout à son propre éblouissement n'avait pas remarqué celui de son voisin de chevauchée.
    — Si fait, mon ami. Si fait.
    — Bien sûr, à vous qui les aimez brunes de peau et de cheveux, elle doit paraître fade, mais sa grâce, avouez-le, est inégalée.
    — Je l'avoue.
    — Voyez ses sœurs à côté. Elles lui ressemblent toutes mais c'est en elle que la beauté s'est concentrée.
    — Je les vois.
    Déjà ils les avaient dépassées, et Djem se sentit plus orphelin de terre qu'il ne l'avait été ces mois derniers. Luttant pour ne pas se retourner, il continua de parader, le sourire accroché aux lèvres, mais le cœur déchiré.
    *
    Philippine resta longuement à la fenêtre, tant qu'elle put apercevoir les plumes de son chapeau. Près d'elle, rassemblées sur le balcon de sa chambre puisque la leur n'en comportait pas, ses sœurs ne tarissaient pas de commentaires.
    — Je l'imaginais plus grand, s'étonna Isabelle qui avait, la première, agité son mouchoir.
    — Moi je savais qu'il était de la taille de Louis, François me l'avait dit, mais je ne m'attendais pas à le voir si beau. N'est-ce pas qu'il est beau, Hélène ?
    — Il l'est, assurément.
    — Dans cette voiture qui passe là, ne sont-ce point ses femmes ?
    — Si, si…
    Elle n'avait pas l'esprit à leur babillage. Les abandonnant enfin, elle rentra dans sa chambre. Djem était là, tout proche. Pourquoi son cœur alors pesait-il si lourd ? Était-ce le poids de cet interdit qui endeuillait leur amour ? ou seulement le manque ? Ce manque de lui qui lui tenaillait les entrailles nuit et jour, et qui grandissait après chaque entrevue. Elle n'avait plus le goût de rien. Ni de manger ni de festoyer. Elle ne vivait plus que pour ces minutes en sa compagnie, ne respirait plus que de son souffle parfumé. Jamais elle n'eût imaginé pouvoir aimer avec autant de force.
    Prétextant une migraine, elle renvoya ses sœurs et demanda à n'être pas dérangée. Elle tira elle-même les rideaux de son lit et s'allongea dans la semi-pénombre tandis qu'un vent chaud continuait d'envahir la chambre par la porte-fenêtre encore ouverte. De loin en loin, la clameur persistait sur le passage de Djem.
    Refusant d'afficher des yeux gonflés, Philippine emprisonna les larmes
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