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L'assassin de Sherwood

L'assassin de Sherwood

Titel: L'assassin de Sherwood
Autoren: Paul C. Doherty
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secrètement Corbett, se chargeraient de leur faire rejoindre Boulogne et l’Angleterre.
    Au début, ils avaient entendu les appels de leurs poursuivants, mais peu à peu les bruits s’étaient atténués. Les rues étaient plongées dans l’obscurité, les passages pavés noyés d’ombre. Le bon peuple de Paris dormait. Personne dans les rues, hormis de pauvres hères décharnés et hideux implorant vainement la charité. Ranulf et Bardolph se crurent hors de danger. Ils laissèrent derrière eux une venelle bordée de hautes maisons à colombages et s’engagèrent sur une place. Ils n’en avaient pas franchi la moitié qu’une exclamation retentit :
    — Les voilà ! Halte, au nom du roi !
    Ils reprirent la fuite. Un carreau d’arbalète frôla leurs têtes en vrombissant. Ils avaient presque atteint l’entrée d’un passage lorsque Bardolph poussa un gémissement et s’écroula sur les pavés, mains en avant. Ranulf s’arrêta et revint sur ses pas.
    — Ne m’abandonnez pas ! supplia l’étudiant.
    Ranulf passa la main dans le dos de son compagnon et sentit que le fer cruel était profondément enfoncé à la base de la colonne vertébrale.
    — C’est grave !
    Il lança un coup d’oeil désespéré de l’autre côté de la place : des silhouettes accouraient vers eux.
    — Je ne veux pas tomber vivant entre leurs mains ! sanglotait Bardolph. Allez-y ! Je vous en prie, maintenant !
    Ranulf plissa les yeux, le visage convulsé et baigné de sueur.
    — Je vous en supplie ! Ils me maintiendront en vie pendant des semaines !
    Ranulf entendit le bruit du cuir sur les pavés.
    — Regarde ! jeta-t-il d’une voix sifflante. Là-bas ! Nous sommes sauvés !
    Bardolph tourna péniblement la tête. Ranulf lui trancha la gorge d’un geste vif en murmurant une prière, avant de se fondre dans l’ombre.
    La forêt existait depuis toujours, les frondaisons protégeant la terre du ciel. Sous ce rideau de verdure qui s’étendait sans limites, la forêt avait vu la Mort frapper depuis le premier jour où l’homme était apparu. D’abord, il y avait eu les petits hommes brunsqui brûlaient leurs victimes dans des cages suspendues pour apaiser la colère des dieux de la guerre ou s’allier les bonnes grâces de la déesse-mère, la Terre, dont le nom ne devait jamais être prononcé. Puis ce fut le tour des guerriers qui pendaient leurs prisonniers aux chênes et aux ormes en sacrifice à Thor et Odin le borgne. Ceux-là, aussi, avaient disparu dans la poussière du temps, supplantés par ceux qui vénéraient le corps du Christ tout en bâtissant des temples aux puissants de ce monde.
    Les arbres – le chêne tordu, l’orme aux branches ployées par l’âge – avaient été les témoins de tout cela. La forêt était un endroit dangereux, un être vivant dont les ombres mouchetées de vert dissimulaient des hommes masqués qui se glissaient dans des chemins connus d’eux seuls et savaient éviter les fondrières perfides. Seul un fou se serait écarté du sentier battu qui serpentait dans la forêt de Sherwood, en direction de Barnsleydale, vers le nord, ou de Newark et la grand-route de Londres, vers le sud.
    C’est à ces légendes que pensaient les deux collecteurs d’impôts en surveillant la marche lente des chariots bâchés qui, dans des coffres bardés de ferrures, de chaînes et de verrous, apportaient l’argent du roi à l’Échiquier de Westminster. Ils suivaient un itinéraire secret, cheminant par des sentes et des layons rarement utilisés, de sorte que le shérif local lui-même, Sir Eustace Vechey, ignorait où ils se trouvaient. L’escorte du convoi se composait d’une modeste compagnie d’archers couverts de poussière et de quelques cavaliers qui, par crainte d’une embuscade, ne cessaient d’observer anxieusement les halliers. La chaleur était accablante, car le soleil, disque d’or fondu, était déjà haut dans le ciel. Les soldats juraient et transpiraient sous leurs cottes de mailles et leurs casques de fer serrés. Comme il leur tardait d’arriver à Newark et d’être au frais, bien à l’abri derrière les murs du château !
    Le principal collecteur d’impôts, Matthew Willoughby, éperonna son cheval, son assistant John Spencer galopant derrière lui : ils se portèrent en avant du convoi, scrutant l’horizon en espérant voir la lisière de cette forêt pleine de traquenards. Mais, à perte de vue, ce n’était qu’un océan de
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