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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles
Autoren: Alain Baraton
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encore agréable et connaît par le menu tous les moyens d’apaiser une femme. Son comparse, le comte Esterhazy, renferme dans son beau costume de hussard quelque secret spécifique, miraculeux et exotique issu de son pays natal, la Hongrie, tandis que Guines, tout juste revenu de Londres, où il a été surnommé « le magnifique », saura bien lui inculquer un peu de flegme, afin qu’elle considère ses tourments avec distance et humour. Il faut avouer que ces médecins sont plus aimables que ceux de Molière et que l’immense billard qui trône au premier étage offre une table d’opération bien désirable. Pendant qu’elle joue au docteur, personne, pas même le personnel, n’est autorisé à pénétrer. La quarantaine se déroule, en grand secret, dans un château entièrement fermé.
    Trois jours plus tard, elle ressort, le teint vermeil et les yeux cernés, ravie d’avoir évité la contagion à son époux, guérie, quoique un peu lasse. Les marquis garde-malade disparaissent sur-le-champ, sans avoir attrapé la fameuse rougeole ou quelque autre mal vecteur de boutons disgracieux, mais avec un fort mal de dos. La Cour est victime d’une inflammation aussi subite que violente, avec force délires et commentaires sur cette réclusion, qui ne fut sûrement pas uniquementméditative. Hier encore, Pierre de Nolhac, admirateur fervent de Marie-Antoinette et auteur de plus de cinquante livres à son sujet, ne trouve pas d’explication pour disculper la reine et s’avoue troublé. Pour moi, il n’y a rien de surprenant dans cette affaire, hautement prévisible : il ne faut pas être grand clerc pour imaginer ce qui a pu se passer entre les jeune gens, pendant les premières chaleurs d’avril dans un lieu qui a tout d’un palais d’amour.
    Dès lors, à Versailles, sa réputation est perdue, d’autant plus qu’elle réitère. Tantôt ce sont des fêtes privées, jusqu’à six heures du matin, tantôt elle part, accompagnée de quelques fidèles, à Paris, rôde dans les lieux les plus malfamés, pour « jouer aux cartes ». Certains prétendent qu’elle perd tellement d’argent que parfois elle paye de sa personne pour éponger ses dettes. Chacun prétend l’avoir vue, ou plutôt avoir rencontré quelqu’un qui l’a vue, vêtue comme une courtisane, parmi les prostituées, dans le quartier du Palais-Royal. Toujours à Trianon, elle organise des séances de spiritisme, en comité restreint, dans une pièce à la propriété bien étonnante : pour masquer le jour, des miroirs tombent en guise de rideaux. L'ombre est alors propice au spiritisme certes, mais aussi à quelques jeux de mains bien charnels. Si la pièce fut construite sous Louis XV, c’est Marie-Antoinettequi fit ajouter les glaces. Personnellement, je ne crois pas aux fantômes, en revanche je connais bien le pouvoir de l’obscurité et la licence qu’elle tolère, pour avoir une fois passé une soirée dans le restaurant « Dans le Noir? », qui sous couvert de faire partager l’expérience des aveugles, offre plus d’une sensation étonnante : j’ignore à qui appartenait la main qui se promenait sur ma cuisse tandis que je dégustais un tendre civet, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle ne cherchait pas sa serviette. Aujourd’hui encore, j’en frémis : je n’ai rien contre l’audace, mais à ce dîner, où nous étions toute une troupe, pas une femme n’avait moins de soixante ans !
    En tête du cortège des médisants, bien évidemment, Mme du Barry, mais pas uniquement : si, dès le lendemain de la mort de Louis XV, la favorite est chassée de Versailles, les rumeurs contre la nouvelle reine ne font qu’empirer. Quel est le tort de Marie-Antoinette ? Elle manque de discrétion, a trop de franchise, et pas assez d’entregent. A Versailles, on peut tout se permettre, pourvu que la noblesse soit de la partie, fine ou carrée. Le malheur est que Marie-Antoinette n’a que faire de la Cour, dont elle cherche à s’isoler, et que ses proches ne sont pas d’habiles courtisans. Fersen, Lamballe, Polignac et la reine, tous sont décrits dans les textes de l’époque comme de plats esprits, desétrangers qui n’auraient rien à faire à Versailles. La Cour est exclue des jeux de la reine, voit le Hameau comme un exil, elle s’en venge et calomnie. Comme dans Le Barbier de Séville, qui date de la même époque et que Marie-Antoinette a elle-même joué, le « léger murmure » de la rumeur se transforme en un ouragan
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