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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles
Autoren: Alain Baraton
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cher pour, le matin, tremper une tartine dans un tel service à café ! De nos jours, certains songent à béatifier celle qui hier était appelée la « Messaline française ». Les pamphlets des années 1790 sont les plus virulents. Finalement, les médisances de la Cour et de la Révolution se valent. Contre la reine, qui pourtant refuse de recevoir les couples illégitimes, on entonne :
    Louis, si tu veux voir bâtard, cocus, putains,
    Regarde ton miroir, la reine et le dauphin.

    Rien que les noms de ces libelles sont évocateurs : Les Fureurs utérines de Marie-Antoinette , LaJournée amoureuse ou les derniers plaisirs de M. A., La Tentation d’Antoinette et de son cochon dans la tour du Temple , Le Carême du Temple, le dépouillement des colifichets de l’orgueil et des attributs de la tyrannie et d’Antoinette dans la souricière où les matous ne peuvent entrer , plus le titre est long, plus les idées en sont courtes et les attaques basses. Jamais notre société policée ne tolérerait des propos aussi violents, et aussi graveleux, contre ses puissants. Pas un tabloïd, pas un journal satirique, n’oserait le commencement de ce qu’on lit dans ces ouvrages. Le plus fameux, Le Portefeuille d’un talon rouge relate l’« histoire des tribades de Versailles ». L'auteur en reste anonyme, et c’est tant mieux : je n’ai rien contre un peu de fantaisie en matière d’histoire, quand elle est appuyée sur des anecdotes véritables, mais je déteste la calomnie : elle est l’arme, nauséabonde, des faibles. Parmi ces pamphlets orduriers, il en est un, toutefois, qui est assez drôle. Il s’agit d’une pièce de théâtre, Les Nouvelles du ménage royal , racontant les déboires de M. et Mme Véto. C'est du boulevard, mais je ne résiste pas à en citer les premières lignes :
    MONSIEUR VÉTO, s’amusant à limer un verrou : Sacré mille dieux ! cette bougresse de Toinon ! je lui ai foutu un soufflet qui pouvait compter… j’en suis fâché… dame, c’est de sa faute… elle m’obstinequand j’ai bu… je me mets en colère… je cogne à tour de bras… et tant pis pour elle ! Avec tout ça, mon verrou n’avance guère, on ne se presse point de me remettre sur le trône… Qu’est-ce que ça me fait? mais ce qui me refait, c’est qu’on ne m’a pas apporté mes quatorze bouteilles de vin pour passer ma journée… et j’ai bougrement soif…
    MARIE-ANTOINETTE, une serviette nouée sur la tête et une emplâtre sur la joue droite : Oh ! le cochon n’est pas encore saoul !

    Au centre de la furie contre Marie-Antoinette, il y a la rancoeur des révolutionnaires contre un gouvernement honni, mais aussi une injustice, encore plus flagrante à l’époque, entre la condition masculine et la condition féminine. Un homme qui trousse tout ce qui porte jupon est un Casanova, une dame qui prend des amants ouvertement est une traînée. La liste des aventures que l’on prête à Marie-Antoinette est plutôt moins longue que celle des maîtresses de Louis XV ou même de Louis XIV, mais quand les deux rois, pour la postérité, peuvent s’enorgueillir de leurs conquêtes comme de trophées de leur virilité, Marie-Antoinette, elle, devrait expier ses « débauches ». Mme Campan, la première femme de chambre de la reine, le déplore : « Le sort des favorites des reines n’est pas heureux en France, la galanterie fait traiter avec bien plus d’indulgenceles favorites des rois. » Marie-Antoinette a été détestée, vilipendée et accusée des pires ignominies, Révolution oblige, mais aussi parce qu’elle était une femme. Bien plus que Louis XV, c’est elle qui fut mal aimée.

Chapitre 20
    Le parc aujourd’hui
    « Cher Monsieur… »
    S'il y a bien une chose dont j’ai horreur, c’est la fausse politesse quand elle vient d’inconnus : elle est généralement le signe d’une requête ou d’une mauvaise nouvelle. Venant de l’homme qui se tient devant moi, raide et solennel, il ne peut s’agir que de la seconde solution. Grand, très chic, très digne, le front plissé par les soucis ou la migraine, il semble très en colère, mais de cette colère froide propre aux bourgeois. Avec son costume gris fer et son loden indémodable, il a tout l’air d’un cadre de grande et ancienne entreprise. La mégère apprivoisée qui l’accompagne, probablement sa maîtresse ou alors son épouse depuis peu, car ils n’ont pas cette espèce de ciment immatériel qui caractérise les couples
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