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L'amour à Versailles

L'amour à Versailles

Titel: L'amour à Versailles
Autoren: Alain Baraton
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Chapitre 1
    À l’auberge de l’écu
    Versailles naît des amours sanglantes d’une reine de France et d’un prélat. L'affaire est ténébreuse, et c’est déjà tout un roman, noir. Nous sommes en 1572 ou 1573, l’époque des guerres de religion, des règlements de compte, des Guise, des Coligny et des Retz. On parle huguenot, mal-content et capucin. La Cour est divisée, les grandes familles tentent de s’imposer devant un pouvoir royal affaibli, retranché au Louvre. L'humeur n’est guère aux sentiments, hormis lorsqu’il s’agit de Versailles.
    Jean-François de Gondi est archevêque de Paris. Il est également le mignon de Catherine de Médicis. Gondi possède à Versailles quelques arpents et souhaite agrandir son domaine : il se rapproche du financier de Charles IX, Martial de Loménie, et lui propose de racheter les terres qu’il détient à Versailles, à l’emplacement de l’actuel parc. Rien n’y fait : Loménie n’est pas vendeur.L'archevêque s’en plaint à sa reine et très probablement maîtresse. Est-ce en échange de quelque faveur – la reine a plus de cinquante ans à l’époque ? Catherine de Médicis a à coeur de venir à la rescousse de son mignon. Italienne, mais du nord, plus exactement de Toscane, de surcroît d’origine auvergnate – elle est comtesse d’Auvergne – et vieillissante, la souveraine est on ne peut plus sensible aux questions financières et au bonheur de celui qui est, au moins, son confident. Martial de Loménie campe sur ses positions : Versailles a beau être un « marais puant », il ne veut pas s’en défaire.
    Garder son bien, ne pas écouter les requêtes royales, tout ça n’est pas très catholique. Nous sommes en pleine guerre de religion et les Loménie passent pour protestants. En fait de protestantisme, ils sont surtout très riches et depuis peu. Martial est arrivé à la Cour dans les années 1550 et n’a guère eu le loisir d’y trouver des appuis. En revanche, son succès excite les convoitises, dont celles de la très puissante maison de Retz, à laquelle Jean-François de Gondi appartient. La cabale est montée. A l’époque, l’« huguenotorie » peut facilement passer pour une perversion. Il n’en faut pas davantage pour que Martial de Loménie soit privé de ses charges de secrétaire du roi en la grande chancellerie et degreffier du Conseil du roi. Pour la suite, les versions divergent : selon les uns Loménie est d’abord emprisonné, puis égorgé, non sans avoir au préalable signé à Gondi l’acte de vente qu’il désire; pour les autres il est étranglé à la suite des événements de la Saint-Barthélemy. Sa descendance a tôt fait de se convertir et de céder le lopin versaillais contre une somme suffisamment importante pour faire office de dédommagement.
    Une vieille femme, austère, acariâtre et avare, qui tient plus de la marâtre – ou du dragon – que de la princesse, un ecclésiastique ambitieux qui n’est autre que son gigolo, des sicaires aux poignards bien aiguisés, pas de château, mais un bourg mal famé, voilà le conte de fées cynique sur lequel s’est bâti Versailles.
    Pourquoi cette vendetta? Pour une terre pauvre, dont la seule justification est d’être la première étape entre Paris et la Bretagne. Versailles est célèbre pour son marché aux boeufs. Le plus gros du terrain est occupé par des champs dont beaucoup ne sont pas cultivés, grignotés par les marais avoisinants. L'endroit est sauvage, sombre et froid. Les quelques chemins aménagés sont bordés de saules, d’aulnes et souvent envahis par les genêts. L'excès d’humidité rend le lieu malsain, soumis à des épidémies de fièvres, si bien que les bêtes y sont plus nombreuses que les hommes.Les rares documents conservés mentionnent la peste noire qui y fit rage. Y vit une assemblée de jacques mal dégrossis, plus soucieux de faire fructifier leurs biens et de détrousser les voyageurs que d’hygiène. Ils ne sont, selon les estimations, que cinq cents âmes, mais les rapports de police de l’époque attestent d’un grand nombre de rixes.
    Déjà en 1525, le comte de Brenne pourchassait aux alentours les brigands qui terrorisaient les populations. Escorté du prévôt, de l’échevin et de quelques cavaliers, le noble justicier fit halte à Versailles. On raconte qu’il y mangea du poulet, denrée alors luxueuse 1 , et commanda pour la petite troupe un mouton entier : voilà de quoi s’émeut le Versaillais
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