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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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à
laquelle le pouvoir tâcha à donner crédit par la suite étant que Ravaillac
avait agi seul. Mais sur l’instant, ce que je trouvai offensant à l’extrême fut
que la Reine eût annoncé en italien à son fils la mort du roi de France.
    Ayant prononcé ces mots que peut-être Louis n’entendit pas,
elle se jeta sur lui, l’enlaça et écrasa ses lèvres sur sa joue. Le Dauphin me
parut excessivement gêné et surpris par ces démonstrations et il avait bien, en
effet, quelques raisons de l’être, et en eut davantage au fur et à mesure que passèrent
les années : ce fut là, en effet, le seul baiser qu’il reçut de sa mère
pendant les sept ans que dura sa régence.
    Le Chancelier de Sillery, après en avoir demandé la
permission à la Reine, prit le relais et fit alors au Dauphin un récit succinct
de l’assassinat de son père, récit qu’il tenait sans doute du Duc d’Épernon
présent dans la chambre.
    Depuis le début de cette scène, je m’étais tenu à côté de la
porte, debout contre la tapisserie et mon insignifiance me faisant tout à plein
oublier, j’eus tout le loisir de l’observer. Dans la chambre du Roi, on
pleurait le passé. Mais dans la chambre de la Reine, je ne tardai pas à
constater qu’on préparait l’avenir. Ce n’était sûrement pas un hasard s’il y
avait là tout le parti espagnol : la Reine, Villeroi, Sillery, d’Épernon.
Il n’y manquait personne, pas même Concini, mais pour une fois modeste et muet,
il s’était retiré dans une embrasure de fenêtre et oyait tout sans piper mot.
    Quand le Chancelier Sillery eut terminé son récit, Louis
dit :
    — Ah ! Si j’eusse été là avec mon épée !
J’eusse tué ce méchant !
    Cette naïveté ne parut émouvoir personne et dans le silence
qui suivit, la Reine recommença ses lamentations et ses agitations, répétant
cent fois : « Le Roi est mort ! Le Roi est mort ! »
Soit que le Chancelier de Sillery pensât qu’elle en faisait plus qu’il n’était
utile, soit qu’il estimât que le moment était venu d’agir, il fit cesser cette
antienne en disant d’une voix forte :
    — Les rois ne meurent pas en France, Madame !
    Et désignant le Dauphin, il reprit :
    — Voilà le roi vivant !
    À ce moment, Louis eut un mouvement qui eût bouleversé les
assistants s’ils n’avaient pas eu leurs têtes toutes pleines de leurs propres
calculs. Oyant parler du « roi vivant », il se retourna avec vivacité
comme s’il se fût attendu que son père surgit derrière lui sain et sauf. Et ce
n’est que quand d’Épernon, Sillery, Villeroi et Concini vinrent tour à tour
s’agenouiller devant lui en l’appelant « Sire » et « en se
donnant à lui », qu’il se convainquit qu’il n’en était rien. Encore
n’accepta-t-il pas entièrement les faits, car lorsqu’il alla le lendemain tenir
un lict de justice au Parlement, le peuple se mettant à crier sur son
passage : « Vive le Roi ! » il se retourna et dit : « Qui
est le Roi ? » Concini étant de par la grossièreté de sa nature
incapable de sentir que pour Louis, admettre qu’il était le roi, c’était
admettre que son père fût mort, conclut de cette anecdote que Louis était
« idiot ». Erreur qui, dans la suite, devait lui être fatale.
    Villeroi et Sillery – ceux que mon père appelait les
« ministres espagnols » et Bassompierre, plus flatteusement,
« les ministres de la paix » – étaient deux barbons
septuagénaires, blanchis sous le harnais des affaires politiques, l’un et
l’autre pleins d’expérience et d’habileté. Raison pour laquelle Henri les avait
conservés dans leur poste, mais dans une demi-disgrâce, pensant les brider en
suspendant leur renvoi au-dessus de leur tête. J’eus l’impression qu’après la
mort du Roi ils sentaient un sang neuf leur courir dans les veines, car sous la
forme de sages conseils donnés à la Reine, ils procédèrent aussitôt à la
distribution des tâches et au partage des rôles.
    Bassompierre, à la tête de ses chevau-légers, devait
parcourir les rues pour éviter l’émeute et le pillage ; Guise, rassembler
le corps de ville ; et d’Épernon, qu’on savait énergique et résolu, devait
pousser sans ménagement le Parlement à déclarer la Reine Régente.
    C’était là, m’expliqua mon père, donner au Parlement une
prérogative qu’il n’avait jamais eue et qui revenait à l’assemblée des pairs
laïcs et
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