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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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de la roue et, saisissant un des
portants des mantelets, s’éleva jusqu’à se trouver au niveau du docteur
Héroard. Tant est que ce dernier, comprenant son intention, approcha son oreille.
Je n’ouïs pas ce que le page murmura, mais j’en compris la gravité : le
docteur Héroard devint blême et comme Monsieur de Souvré le questionnait en
levant les sourcils, il lui dit en latin :
    —  Rex vulneratus est.
    — Leviter ?
    — Pagius nescit [69] .
    Monsieur de Souvré pâlit à son tour et resta un instant sans
pouvoir parler, tandis que le regard du Dauphin se fichait alternativement sur
lui et sur son médecin.
    — Qu’est cela ? dit-il enfin d’une voix grêle.
    — Le Roi votre père est blessé, Monsieur, dit Monsieur
de Souvré d’une voix blanche. Il faut retourner au Louvre sans tant languir.
    Mon cœur se mit à battre avant même que le désarroi de
Souvré et d’Héroard m’eût convaincu que le pire était arrivé et que le page en
savait plus et en avait dit plus qu’Héroard ne l’avait d’abord prétendu. Je dis
à voix basse :
    —  Relinquit vita corpus [70]  ?
    Héroard ne me répondit rien, pas même un signe de tête.
Louis ayant commencé le latin à l’âge de cinq ans, il eût dû entendre ma
phrase. Mais outre qu’il avait un fort mauvais maître qui savait lui-même assez
mal ce qu’il lui enseignait, Louis avait apporté peu de zèle à cette étude.
Sans saisir le sens de ma question, il dut comprendre pourtant que se disaient
au-dessus de sa tête des choses graves, et bien dans sa façon, il prit le parti
de se taire. La première question qu’il avait posée lui ayant appris la
blessure du Roi, il me sembla que, par superstition, il craignait d’en poser
une seconde. De toute façon, dans ses moments d’émotion, il bégayait si fort
qu’il aimait mieux se taire. En lui jetant un coup d’œil de côté, je vis qu’il
avait l’air pâle et contracté, alors même qu’il tâchait de donner le change en regardant
le spectacle de la rue. Mais sa main sur la banquette du carrosse cherchant la
mienne, je la saisis. Elle me parut froide malgré la chaleur torride de ce mai
et aussi – je ne sais ce qui me donna cette impression – plus menue
qu’à l’ordinaire.
    Le Louvre était hérissé de gardes françaises et de Suisses
qui avaient dressé chaînes et barrières, et qui gardaient les piques basses,
comme s’ils s’attendaient à un assaut. Quant au guichet, il était si bien
défendu que l’exempt, ne reconnaissant pas dans son effarement qu’il avait
affaire à un carrosse royal, nous refusa d’abord l’entrant, Monsieur de Souvré
devant mettre la tête à la portière pour se faire reconnaître.
    La vue de tant de soldats parut ranimer Louis, ce que je mis
d’abord sur le compte de sa grande amour pour le métier des armes. Mais
j’entendis plus tard que ce déploiement de forces l’avait aussi rassuré :
il commençait à craindre pour sa propre vie, comme il le laissa apparaître le
lendemain quand, allant en carrosse par la rue Saint-Honoré, il commanda tout
soudain à l’exempt de faire mettre ses gardes «  en haies des deux côtés
de son carrosse  ».
    Dès que le Dauphin atteignit ses appartements, il prit son
petit chien dans ses bras et, s’asseyant sur un tabouret, se mit à l’embrasser
et à le caresser, sans pleurer, mais sans non plus vouloir regarder les adultes
qui l’entouraient, comme s’il voulait se réfugier dans son monde à lui, loin
des horreurs du nôtre. Monsieur de Souvré et le docteur Héroard à quelques pas
de lui se demandaient, à voix très basse, s’il valait mieux lui apprendre tout
de gob ce qu’il en était ou attendre que la Reine le fît. Je leur soufflai à
l’oreille que j’allais aux nouvelles et courus comme fol jusqu’à l’appartement
du Roi, espérant encore, contre tout espoir, que le page avait exagéré l’état
du blessé.
    Tout un monde s’écroula en moi, quand je vis Henri étendu
sur son lit, son pourpoint de satin noir ouvert et ensanglanté, le visage
cireux, mais étrangement serein. Monsieur de Vie, assis sur le lit, lui
mettait, bien en vain, me sembla-t-il, sa croix de l’ordre sur la bouche et lui
faisait ressouvenir de Dieu. Et deux chirurgiens, des bandes à la main, se
préparaient à le panser, quand Milon, le premier médecin, debout dans la
ruelle, dit en pleurant : « Eh ! Que croyez-vous faire ?
C’en est fini ! Il est passé ! »
    Sur
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