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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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quart. Mais le dialogue était trop rapide pour elle et d’ailleurs, au bout
d’un moment, rechignée et malengroin, elle cessa d’écouter. Henri le sentit, et
avec sa coutumière gentillesse, il entreprit de la remettre en bonne humeur en
lui faisant de grands compliments sur le splendide manteau fleurdelysé qu’elle
devait porter pour son entrée triomphale.
    — Ventre Saint-Gris ! dit-il, que j’aimerais avoir
une casaque de ce modèle pour porter par-dessus mon armure à la guerre !
    — Mais alors, il n’y faudrait pas de queue ! dit
Madame de Guise.
    — Mais que dites-vous là, ma cousine ? dit Henri
en riant.
    Puis changeant de ton et de visage, il dit :
    — C’est vrai qu’une casaque ne me serait peut-être pas
utile, puisqu’on ensevelit les rois dans le manteau de leur propre sacre.
    Les familiers d’Henri IV ont discerné, après coup, dans
cette remarque et dans bien d’autres que le Roi articula en cette journée du
quatorze mai, le pressentiment qu’il aurait eu que sa mort était proche. J’ai
souvent débattu de ce point avec mon père qui ne voyait que superstition dans
cette façon de conter l’Histoire à reculons. Si Henri, disait-il, n’avait pas
été assassiné le quatorze mai, eût-on fait un tel sort à des réflexions qui,
dans le prédicament qui était le sien, eussent paru bien naturelles : la
casaque fleurdelysée l’avait fait penser à son armure, l’armure à la guerre, la
guerre à son tombeau. Qui ne pense être tué au moment de partir au
combat ?
    À Bassompierre qui lui avait rappelé ce matin les bonheurs
dont il avait joui depuis la reprise d’Amiens en 1597, Henri avait
répondu : « Mon ami, il faut quitter tout cela. » Mais quitter
quoi ? La félicité de la paix ? Ou la vie ? C’est pour nous qui
en jugeons après l’événement que cette phrase est prémonitoire. Comment
affirmer qu’elle le fût pour celui qui la prononça ? C’est vrai qu’en
cette après-midi du quatorze mai il parut inquiet, agité, mal à l’aise, mais
comment ne l’eût-il pas été, s’apprêtant à tout jouer sur un coup de dés :
son royaume, son trône, sa dynastie, sa vie ?
    Avant les combats qu’il livra pour conquérir son trône,
ajouta mon père, je l’ai toujours vu fébrile, pensant à l’extrême précarité de
sa situation, à la défaite toujours possible, à la mort aussi, et en parlant.
Tout autre que lui eût caché ces alarmes sous un masque imperscrutable, mais
Henri était un Gascon imaginatif, mobile, sensible, exubérant, enclin au rire,
et aussi aux larmes, aimant gausser, mais porté aussi à dramatiser. Et surtout,
il ne cachait rien. Atteint de diarrhée avant chaque combat, il prenait le
parti d’en rire tout haut. Et allant aux feuillées, il criait à la cantonade,
parlant des ennemis qu’il allait combattre : « Je vais faire bon pour
eux ! » Après quoi, oubliant toute faiblesse, il se battait comme un
lion.
    La Surie voulut, à son tour, en dire son mot que je trouvai
pertinent.
    — Il faut se rappeler qu’Henri, dans la mélancolie,
avait une tendance à l’hyperbole (La Surie aimait ce mot, qu’il trouvait
savant). Ramentez-vous, dit-il en se tournant vers mon père, ce qu’il dit,
quand après la mort d’Henri III, une bonne partie des troupes royales
l’abandonna : « Je suis un général sans armée, un roi sans couronne
et un mari sans femme. » C’était pousser les choses très au noir ! Il
lui restait une armée, petite, certes, mais ardente, vaillante, aguerrie…
    — Et invaincue, dit mon père.
    — Et il était sans couronne, assurément, reprit La
Surie, parce que la Ligue était à Paris, mais il avait pour lui la légitimité,
et par le sang, et parce qu’Henri III l’avait solennellement reconnu sur
son lit de mort. Et enfin, s’il était sans épouse, il n’était diantre pas sans
femme, courant, à brides avalées, en pleine guerre de la haute dame à la
meunière et de la meunière à la nonne…
    À mon sentiment, Henri pâtissait aussi, en cette après-midi
du quatorze mai, de n’avoir rien à faire. Et cette inaction ajoutait à sa
fébrilité. Il devait consacrer sa journée à « mettre de l’ordre dans ses
affaires », mais quelles affaires ? Et quel ordre ? Lui qui était
toujours debout, allant, venant, incapable de s’asseoir devant une table, ou
même de lire, griffonnant à la diable de courts billets, le seul ordre qui
l’intéressât étant,
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