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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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Majesté
où j’avais mis le pied pour la première fois en novembre 1609, trois jours après
la naissance d’Henriette-Marie, la Reine étant dolente et couchée, et le Roi,
appuyé avec force sur mon épaule, et quasi hagard de douleur à la nouvelle que
Condé avait emmené la Princesse au-delà des frontières.
    Marie de Médicis n’était encore ni habillée ni coiffée, et
je la trouvais plus agréable à voir ainsi, avec ses longs cheveux blonds
tombant sur ses épaules rondes (que cachait à peine son déshabillé mauve)
plutôt qu’armée de pied en cap, serrée dans sa basquine et bardée de tant de
pierreries, et si lourdes, qu’à peu qu’elle pût marcher.
    — Votre Majesté, dit Madame de Guise, voici mon
filleul : le Chevalier de Siorac, que le Roi vous a présenté lors de mon
bal.
    Ayant fait les génuflexions d’usage, j’étais déjà à ses
pieds et baisant le bas de sa robe, attendant ses premières paroles – de
bienvenue ou de malvenue, comment le savoir d’avance avec elle ? Ses choix
défiaient toute logique et si la raison eût dû l’incliner à m’accueillir bien,
puisque la Duchesse de Guise était son intime amie, d’un autre côté, le poids
de la morgue qu’elle tenait des Habsbourg (en même temps que son menton
prognathe) était si lourd et si peu éclairé qu’il pouvait tomber sur n’importe
qui.
    — Ah ! dit-elle, il figlioccio famoso [67]  ! Eh bien, qu’il
s’assoie ! Caterina ! Un tabouret, là, contre le mur !
    En me relevant de ma prosternation, et m’éloignant d’elle en
révérences successives, je jetai un œil à ma marraine. Elle haussa les
sourcils, sans doute pour me faire entendre que l’accueil n’était point si
mauvais. En tout cas, à mon endroit, il valait mieux que «  il cugino de
la mano sinistra  » dont elle m’avait adoubé au bal de la Duchesse de
Guise. Il y avait bien encore quelque trace de venin dans le «  famoso » (en quoi étais-je fameux, sinon par ma naissance illégitime ?) mais, d’un
autre côté, elle condescendait à me faire asseoir en sa présence. Faveur qui,
comme disait mon père, « avait protocolairement son prix et fessièrement
sa commodité ».
    La raison pour laquelle l’entretien eut lieu dans la
chambre, et non dans le cabinet de la Reine, me devint claire au premier coup
d’œil, car sur son lit était étalé en toute sa magnificence le manteau qu’elle
allait porter à l’occasion de son entrée triomphale en Paris, lequel était de
velours semé de fleurs de lys d’or, fourré d’hermine et ayant une queue longue
de sept aunes [68] , laquelle, pour qu’elle ne traînât
point sur le tapis de Turquie, avait été arrangée en anneaux de serpent sur le
couvre-lit de satin.
    Il y avait là, outre la Reine et ma bonne marraine, la
Duchesse douairière de Montpensier, la Princesse de Conti, la Maréchale de La
Châtre et la Marquise de Guercheville. Je les saluai toutes avec un respect
sans faille, dans l’ordre imposé par leur rang, et m’assis sur le tabouret que
Caterina avait placé pour moi le long du mur, non loin des filles d’honneur de
la Reine qui, elles, restaient debout devant la tapisserie, muettes et, à ce
que j’imaginais, décoratives, puisque c’était là leur seul emploi. Muet comme
elles, je gardais les yeux fichés avec la dernière révérence et la plus
cléricale humilité sur Sa Majesté, laquelle, toutefois, par sa stature, sa voix
forte, son épaisseur chamelle et sa visible absence de suavité, je trouvais
difficile de confondre avec la Vierge Marie. Ah certes ! le Comte de
Soissons eût été mieux à sa place que moi en cet entretien où il allait être
question d’étiquette. Il est vrai qu’il en était si féru que, les préséances à
l’égard de sa femme et de lui-même n’ayant pas été respectées, il avait de
nouveau boudé le sacre de la Reine après avoir boudé, comme on sait, le mariage
du Duc de Vendôme et venait juste de faire savoir au Roi, dans une lettre
indignée, qu’il bouderait aussi l’entrée triomphale de la Reine à Paris.
    À force de regarder la Reine et de ne regarder qu’elle, je
ne la voyais plus. Et ma vue devenant aussi inutile que ma langue, il ne me
restait plus que mon ouïe, laquelle, cependant, se trouva vite découragée à
suivre les points de protocole furieusement soulevés par les dames en cet
entretien. Je ne manquai pas, toutefois, de remarquer que, si agité que fût
leur débat, les
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