Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
de lui. Toutefois, impressionné par la soutane et la gravité du père
Cotton, il fit tout ce qu’on voulut. Il récita à genoux, aux côtés du père
Cotton, devant le reliquaire, les prières qu’on lui indiquait en lui en cornant
les premiers mots aux oreilles. Cependant, au bout d’un moment, le père Cotton
prit sur lui d’écourter les oraisons : elles prenaient trop de temps, le
Prince de Conti bégayant plus qu’à l’accoutumée.
    Les pères n’étaient pas au bout de leurs peines. Il fallait
ramener le cœur à La Flèche par un très long chemin et au milieu d’un peuple
qui de nouveau était hostile à leur Compagnie, n’ayant pas assez de larmes pour
pleurer Henri.
    En fin de compte, on imagina une suite d’une douzaine de
carrosses escortés par le Duc de Montbazon et quatre cents cavaliers armés,
tous volontaires. D’après ce que j’ai ouï dire par Montbazon, ces jésuites de
La Flèche étaient bien différents des jésuites politiques et parisiens qui
avaient tant prêché contre le Roi. C’étaient de bons enseignants qui aimaient
leurs élèves, révéraient le Pape et adoraient Dieu. Ils ne voyaient dans le
cœur du roi assassiné qu’une relique dont la gloire rejaillirait sur la
chapelle qu’ils avaient construite à l’aide de ses dons.
    À la prière de Monsieur de Souvré, qui espérait que ma vue,
le lendemain, distrairait Louis d’une douleur d’autant plus violente qu’il la
renfermait en soi, muet, pâle, et bégayant dès qu’il ouvrait la bouche, je
couchai une seconde fois au Louvre dans la chambre d’Héroard. Auparavant,
j’envoyai le petit La Barge dire à Madame de Guise, qui ne quittait plus les
appartements de la Reine, d’avoir à prévenir mon père du lieu où je
m’encontrais. Je ne sais comment elle fit, mais quand une heure plus tard, je
me retirai dans l’appartement d’Héroard, j’y trouvai le Marquis de Siorac
debout, seul, m’attendant, le visage tout chaffourré de pleurs. Je me jetai
dans ses bras, les larmes jaillissant de mes yeux, mi du bonheur d’avoir encore
à moi le meilleur des pères, mi du chagrin que me donnait le désespoir de Louis
d’avoir perdu le sien.
    Mon père me bailla une longue brassée et me dit à
l’oreille : « Tout va changer de face. Soyez la prudence même.
Surveillez vos paroles, et même vos regards. Madame de Guise vous protégera,
mais cette protection elle-même aura besoin d’être guidée, tant votre bonne
marraine fait tout à la volée. »
    Pour ma part, je dormis fort peu et fort mal, et aux
mouvements incessants que faisait Héroard sur sa propre couche, et aux soupirs
qui lui échappaient, j’entendis bien que le bon docteur, attaché à Louis par le
zèle le plus sincère, était agité d’une frayeur mortelle à la pensée que la
Régente, par hostilité à l’égard de la religion qui avait été la sienne, le
pourrait éloigner du jeune roi, le remplaçant par un médecin mieux pensant,
mais à coup sûr moins dévoué.
    Le lendemain, Héroard m’en toucha un mot, et quand je
répétai un peu plus tard à mon père ses propos, il me dit avec tristesse :
« Ce serait un crime à l’égard du jeune roi ! Mais on peut tout
attendre de la stupidité, quand elle se trouve investie de la toute-puissance. »
    Pourquoi aurais-je vergogne à confesser que, cette nuit,
comme celle qui avait suivi l’assassinat de mon maître bien-aimé, fut pour moi
partagée entre les cauchemars et les larmes. Bien que je n’eusse pas assisté au
meurtre, le récit de La Force, en sa terrible brièveté, me l’avait rendu
présent. « Ravaillac, avait dit La Force, donna dans le corps du Roi comme
dans une botte de foin. » Cette phrase revenait sans cesse dans mes
sommeils et mes demi-sommeils et, chose étrange, sa répétition n’en atténuait
pas l’horreur, bien le rebours ! À chaque fois, il me semblait que c’était
moi qui recevais le coup : il me poignait jusque dans les tripes ! Et
aussitôt, je voyais, penché au-dessus de moi, le géant roux et ses
insoutenables yeux bleus. Quel abject instrument avait mis fin à une si belle
vie ! Ce fol, qui n’était que haine ! Cet extravagant, qui prétendait
méditer sur les secrets de la Providence ! Cette pauvre, faible, détraquée
et fanatisée cervelle ! Cette sanguinaire marionnette, dont on avait si
bien tiré les fils ! Je le revoyais tout entier, ses cheveux roux, son
habit vert taillé à la flamande, son regard fixe, et
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher