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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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et toi , tu es prête à nous abandonner  ! » Yvette se raisonna : la mère ne pouvait connaître ses projets de départ. Non, c’était impossible ! Comment aurait-elle deviné ?
    Et pourtant, au fond d’elle-même, Yvette restait persuadée qu’elle le savait !
    Longuement distraite, la jeune fille ne revint à la cérémonie que lorsque les fiancés échangèrent leurs serments. Alors, une grande détresse l’accabla. Elle les voyait, les yeux dans les yeux, oubliant le reste du monde pour se contempler. Ils étaient heureux, si visiblement heureux qu’elle en ressentit comme une pointe de jalousie…
    «  C ’ est fou  ! se dit-elle . Il est temps que je parte sinon , je vais rendre le monde entier responsable de la faillite de ma vie  ! » Quand ils se levèrent, radieux, au bras l’un de l’autre, et gagnèrent la porte, sa décision était prise. Ce soir, elle parlerait à son père et, dans la semaine, elle quitterait ce pays où elle avait cru, un moment, pouvoir oublier son passé…

XXXVI
     
    Le retour à Paris
     
    Elle était encore dans le train… Dans un wagon que traînait une locomotive poussive, de tournants en tournants… Ce train était, semblait-il, plus décrépit, si c’était possible, que celui qui l’avait amenée deux ans auparavant…
    Deux ans seulement ! Et elle se sentait plus vieille d’un siècle…
    Elle “montait” à Paris comme on se jette à l’eau, advienne que pourra… Elle songea à cet autre voyage, deux ans plus tôt… À sa fuite de la capitale, taraudée par la peur… Oh, combien elle avait été folle de penser pouvoir tout oublier !
    Oui, elle avait oublié et même bien oublié… Mais son passé l’avait rattrapée, et lui ne se laissait pas oublier. Il était toujours tapi, prêt à reparaître au moment où elle s’y attendait le moins, pour s’interposer entre elle et le bonheur…
    Le ciel noir charriait des pluies d’automne dans ses nuages menaçants mais cela lui était absolument égal. Tout l’ennuyait et l’agaçait. Elle était désespérée…
    Le soir de la noce, profitant d’un moment où elle était seule avec son père, elle lui avait annoncé sa décision. Cette nouvelle l’avait anéanti. Il n’avait rien dit. Il n’avait même pas tenté de la dissuader et cela, pour elle, était pire que tout…
    Il était devenu très pâle, l’avait regardée, les yeux tristes comme jamais, puis s’était assis. Pendant que le reste de la noce riait des blagues que racontait le cousin Marcel, toujours aussi bavard, il avait saisi une coupe et l’avait tendue sans un mot à la serveuse, qui s’était empressée de la remplir de champagne. Il l’avait bue d’un coup sec et Yvette avait vu deux larmes couler silencieusement dans la coupe… Lentement, le dos voûté, il avait disparu parmi les invités.
    À la fin de la soirée, la mère l’avait coincée entre deux tables. Elle qui ne lui avait plus adressé la parole depuis de longs mois avait retrouvé toute sa faconde pour la prendre à partie et lui jeter à la face tout ce qu’elle avait sur le cœur.
    Yvette, traitée d’ingrate et de fille dénaturée, l’avait laissée parler et exprimer une haine qu’elle n’avait osé soupçonner si virulente…
    Elle contemplait, médusée, cette femme qu’elle croyait connaître et dont elle découvrait le vrai visage.
    À la fin, la colère la saisit et elle lui cria d’une voix aiguë, dominant presque la musique de la noce :
    « Tu l’as voulu… Tout est de ta faute, ne t’en prends qu’à toi, si je pars !
    — Bien sûr, c’est peut-être moi qui ai couché avec les Allemands ! »
    Yvette lui échappa et sortit dans la nuit déjà froide. Le vent agitait les dernières feuilles rouillées et les grands champs étaient étonnamment silencieux. Elle contempla longtemps la masse noire de Balduc qui émergeait de la nuit… Les flonflons du bal, les cris de joie coupaient le silence et la rejetaient, malgré elle, dans ce présent qu’elle voulait oublier pour jouir encore une dernière fois de la beauté de ce pays qu’elle aimait et qu’elle abandonnait pour la seconde et probablement la dernière fois…
     
    Et, maintenant, elle était là, coincée dans un wagon qui bringuebalait, les yeux rivés sur un paysage qui fuyait à la vitesse de la locomotive et qui disparaissait, par instants, derrière un écran de brouillard…
    La pluie se mit à tomber, une pluie fine, brouillardesque, qui noyait
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