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la tondue

la tondue

Titel: la tondue
Autoren: Marie de Palet
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village. La promenade durait, durait, et ce n’est que vers minuit qu’Yvette, dans un demi-sommeil, entendait claquer la porte d’entrée.
    Quelquefois, c’est en groupe que partaient tous les jeunes, à la nuit tombante, ils se dirigeaient vers la rivière qui jasait à mi-voix, au fond de la vallée. Ils contemplaient la Nize sombre qui, le soir, jouait à effrayer les passants quand ses eaux prenaient des reflets noirs pleins d’ombre. Ils discutaient longtemps, les garçons passant un bras par-dessus les épaules des filles ; ils discutaient de tout et de rien, des nouvelles de la vallée, d’avenir, quelquefois, dont ils attendaient des merveilles… La guerre les avait mûris, mais elle les avait changés aussi. Ils avaient tous les idées de Jacques et voulaient se moderniser mais certains se heurtaient à la famille, d’autres hésitaient, enfin, un certain nombre songeait au départ.
    Le Midi viticole demandait des bras et les moins aventureux recherchaient des contacts pour y trouver du travail, tout en n’étant pas très éloignés du pays. Beaucoup pensaient et rêvaient de Paris… En cette période de grands travaux, il y avait de l’embauche partout. Mais Paris fascinait à cause du travail mieux payé, et surtout parce que Paris restait Paris, la ville avec ses mirages qui attirait à elle tous les jeunes…
    Yvette était souvent interrogée par le groupe de Parisiens en puissance qui la pressait de questions pour savoir quelle sorte de vie on menait à Paris, s’il était vrai que le travail y était dur, s’il était facile de s’y loger… si… si… si… Elle répondait de son mieux, toujours sur ses gardes, sous le regard vigilant de Jacques, prêt à voler à son secours. Mais le plus souvent, elle n’avait besoin de personne. Le souvenir de ses débuts dans la capitale était encore bien vivace en sa mémoire. Quant aux distractions qu’offrait la grande ville, elle pouvait toujours alléguer que la guerre avait faussé le jeu, ou que la modicité de son salaire ne lui permettait pas de telles dépenses… Par contre, elle vantait, sans se lasser, la beauté des jardins et des monuments, le charme du vieux Paris et les promenades enchanteresses dans les plus belles avenues du monde…
    Ils l’écoutaient, fascinés, et elle sentait monter en elle une sorte de dégoût, mais en même temps, elle ne pouvait s’empêcher de penser que la solution était là : tout quitter, partir et recommencer ailleurs une nouvelle vie…
    Et pourquoi ne retournerait-elle pas à Paris qu’elle connaissait déjà ? Le quartier qu’elle avait habité quand elle était arrivée – et qu’elle n’avait plus revu après son “ascension” – avait-il appris ce qu’elle était devenue… Tous ces braves gens, ces petites gens qu’elle croisait tous les matins, et qu’elle saluait d’un bonjour pressé, avaient-ils soupçonné sa vie ? Ce n’était pas sûr… Mais si elle retournait à Paris, elle devrait changer de quartier !
    Dans le groupe, elle remarqua un garçon de Lanuéjols : Jean-Pierre Polge. Il s’arrangeait toujours pour être près d’elle. Il était timide et avait mis longtemps à lui adresser la parole. Maintenant, le premier pas franchi, il s’était enhardi. Il l’attendait tous les soirs pour discuter avec elle. Ce manège l’avait amusée un moment et elle le laissait faire. Jacques, l’air satisfait, se réjouissait de voir l’assiduité de Jean-Pierre. Il pensait que ce serait un dérivatif au chagrin de sa sœur. Yvette subissait toute chose avec indifférence, les avances du garçon comme le reste… Son mal était trop profond et la blessure toujours ouverte. Elle trouvait tout insipide. Même ces rencontres au clair de lune, qui l’avaient amusée un moment, lui apparaissaient maintenant sans intérêt. L’idée du départ commença à s’installer en elle. Elle n’en parla à personne mais réfléchit longuement.
    Sa vie à la ferme lui plaisait et l’avait réconciliée avec elle-même. Elle connaissait une paix qui l’avait quittée depuis qu’on l’avait emmenée comme une criminelle. Elle avait retrouvé cette liberté tant attendue… Mais le pays était trop plein de David et du souvenir de ses parents. À tous les pas, elle les rencontrait… Elle devait partir et, si elle ne pouvait oublier, au moins elle n’aurait plus à poser les yeux sur ces lieux qui lui rappelaient son amour… Elle pensait aussi à ses parents, à son père
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