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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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bien persuadé que j’étais que Miroul et moi l’avions en
tout autre lieu dépêché.
    — Compère, dit le Bahuet, son œil faux noircissant,
tout un chacun sait cela.
    — Mais je sais choses, en outre, dis-je d’un air fort connivent,
qui te seraient très utiles à connaître en ton présent prédicament :
lesquelles, compagnon, te coûteront cinq écus.
    — Cinq écus ! dit le Bahuet avec un rire de
dérision et en jetant un œil gaussant à ses sbires : vous avez ouï,
compains ? le maraud me réclame cinq écus ! Il me veut vendre ce
qu’il me doit bailler !
    Quoi disant, il fit jaillir sa dague de son fourreau et en
appuya la pointe contre mon pourpoint. Ce qui me laissa pantois, n’ayant mis en
avant ces cinq écus que pour donner à ma démarche couleur plus vraisemblable.
    — Compère, dis-je, c’est mal me payer de la peine que
je me suis donnée pour te venir prévenir des périls qui t’attendent. Que
diantre t’ai-je fait pour que tu menaces ma vie, alors même que j’attente à
garantir la tienne ?
    — Oui-da ! dit Bahuet, tu es bien fendu de gueule,
à ce que je vois, et la langue bien frétillante ! Mais je n’aime guère
qu’on vienne fourrer le nez dans mes petites affaires. Et si décrois-je que tu
sois céans pour me servir.
    — Fort bien donc, dis-je, les tempes me battant quelque
peu de voir sa lame à si peu de distance de mon poitrail, si vous rebutez mon
aide, je m’accoise et m’en vais.
    — Tudieu ! Le prompt exit ! s’écria Bahuet en
s’esbouffant, et un fort vilain éclair passant dans ses yeux faux. Vous avez
ouï, compains ! Le maraud veut s’ensauver à l’anglaise ! Sans nous
dire son nom, ni son état, ni le message dont il se dit porteur.
    Et ce disant, il appuya davantage sa dague sur mon
pourpoint, tant est que sans qu’il le perçât vraiment, je sentais néanmoins sa
pointe à travers le cuir, à pas même un pouce du toquement de mon cœur.
    — Voire mais ! dit le truand à ma dextre (lequel
puait effroyablement l’ail et la sueur). Par la mort Christ, Bahuet, frappe à
la gorge ! et ne gâte point, je te prie, ce bon pourpoint de buffle :
j’ai eu l’œil sur lui de prime, et le réclame pour ma part de picorée, quand tu
auras expédié le guillaume.
    — Et moi, ses bottes, dit le truand à ma senestre.
    — Et moi, l’épée, dit Bahuet en souriant du coin de la
bouche. Nous voilà donc bien d’accord.
    — Cornedebœuf ! dis-je, Messieurs, que pensez-vous
faire là ? Dépêcher un honnête garçon en plein jour à deux pas du Louvre
et devant tant de témoins ?
    — Sottard de merde ! dit Bahuet. Dans une heure,
je serai hors Paris, et ces braves gens aussi.
    — Hors Paris, mais non pas tant sains et gaillards que
de présent vous l’êtes, dis-je promptement, car le marquis de Siorac, de qui
vous avez six ans occupé la maison et dont vous emportez les meubles, a fait
poster des espions à toutes les portes de Paris, et dès qu’il saura votre
chemin, vous courra sus avec un fort parti de cavaliers pour vous exterminer.
    — Coquin ! s’écria Bahuet en pâlissant, d’où
sais-tu cela ?
    — D’une chambrière du marquis dont je suis l’amant.
    — Et qui es-tu, par la Mort Dieu !
    — Franz Muller, Lorrain, anciennement sergent du duc
de Guise à Reims et de présent désoccupé.
    — Voilà qui explique l’épée et le pourpoint, dit le
truand à ma dextre.
    — Mais non point qu’il me veuille rendre service, dit
Bahuet.
    — Moyennant pécunes, dis-je.
    — J’ai ouï ta chanson, et la décrois, scélérat. C’est
tout fallace. Tu n’as pas mine à courre après cinq écus. J’en donnerais mon vit
à couper. Compains, c’est assez languir. Serrons le maraud prisonnier au logis.
Nous y serons plus à l’aise pour le mettre à la question et trier le grain de
la paille. Suis-nous, vilain ! reprit-il en me mettant la main au collet.
    À quoi je vis bien qu’il fallait à la parfin passer du miel
au vinaigre, et m’arc-boutant du dos contre la porte piétonne, je lui décochai
dans le ventre un fort coup de botte qui l’envoya rouler au milieu de la rue.
Quoi fait, je saisis derrière mon dos mes deux dagues à l’italienne et penché
en avant, bien campé sur mes gambes, je les dardai de dextre et de senestre, en
huchant à gorge rompue :
    — À moi, mes gens !
    Mes deux beaux truands voulurent alors mettre la main à
leurs coutelas, mais jetant mes griffes de part et
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