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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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leur
laisser ?
    — Que nenni ! Miroul, tu vas courir au Louvre
trouver Vitry, lui mettre puce au poitrail, et le prier de venir en renfort
avec une douzaine d’arquebusiers.
    — Mon Pierre, dit Miroul, son œil bleu soupçonneux et
son œil marron fort inquiet, que feras-tu durant que je serai ainsi
occupé ?
    — Je prendrai langue avec Bahuet.
    — Mon Pierre, il y a péril, surtout si tu vas fourre la
patte dans ce piège à rat.
    — Je m’en suis avisé. Cours, mon Miroul.
    Là-dessus, voyant que Guillemette, curieuse comme belette,
était revenue sur ses pas, son panier vide, et rôdait dans nos alentours,
j’allai à elle, la saisis par son bras nu, lequel était rond, ferme et frais,
et lui dis à l’oreille.
    — Mamie, deux sols pour toi, si tu me procures une
écritoire et un petit vas-y-dire.
    —  Ha ! Monsieur ! Deux sols, c’est
prou ! Vramy, vous n’êtes pas pleure-pain ! J’y cours ! Vous me
verrez à peine partie que je serai jà revenue !
    Oyant quoi, le « capitaine » Tronson s’approcha de
moi, paonnant et poussant devant lui sa bedondaine cuirassée.
    — Monsieur le Marquis, dit-il avec plus de respect
qu’il n’en avait jamais marqué, je n’entends goutte à ces pas et démarches.
Plaise à vous d’éclairer ma lanterne.
    — Je vais dépêcher un poulet au Bahuet pour lui mander
de m’encontrer céans.
    — Monsieur le Marquis, il y a danger.
    — Lequel je ne te demande pas de partager. De toute
manière, je lui veux parler bec à bec.
    — Plaise alors à vous, Monsieur le Marquis, de lui
ramentevoir ma petite créance.
    — Laquelle se monte à combien ?
    — À cent écus qu’il eût dû me repayer ces trois ans
écoulés.
    — Cornedebœuf ! Trois ans ! Que n’as-tu
contre lui procédure ?
    — Monsieur le Marquis, vous gaussez ! La Cour
n’aurait jamais osé me donner raison contre un Seize, surtout après
l’exécution du président Brisson. Et quant au Bahuet, il m’aurait fait
embastiller !
    — Et de présent que le vent a tourné ?
    — La Cour est lente. Le Bahuet sera de belle lurette
parti avant qu’elle ait tranché ! Et comment le contraindre au corps,
quand il sera réfugié chez Mayenne ou dans les Flandres avec les
Espagnols ?
    — C’est raison. Compère, j’en toucherai un mot au
guillaume, si j’en ai l’occasion.
    Quoi disant, voyant revenir Guillemette avec un petit vas-y-dire et une écritoire, je tournai le dos au capitaine Tronson, baillai deux sols à
la mignote, et m’asseyant sur une de ces bornes qui défendent les portes
cochères contre les roues des carrosses, j’écrivis ce qui suit :
     
    Maître Bahuet,
     
    Votre charroi et vous-même allez courir de grands hasards,
dès que vous serez hors les murs. Que si vous m’encontrez sur l’heure devant
l’ancienne Aiguillerie, je peux vous donner un avis qui vous pourra remparer
contre ces périls.
    S.
     
    — Monsieur mon maître, dit Guillemette penchée
par-dessus mon épaule, je ne sais lire, mais c’est merveille comme bien vous
écrivez. Cependant, maugré votre épée, vous n’êtes pas gentilhomme.
    — Pourquoi cela ?
    — Si vous l’étiez, vous dicteriez ce billet à un
secrétaire, au lieu de vous mettre à tant de peine.
    — C’est bien pensé. Ensauve-toi, mignonne. J’ai
affaire. Voici ton écritoire.
    Elle la mit dans son panier, contrefeignit de s’en aller,
mais une maison plus loin, s’arrêta et se mit dans une encoignure, comme je le
vis en l’espinchant du coin de l’œil.
    —  Vas-y-dire, dis-je au petit galapian qui
n’avait pas dix ans d’âge, et l’air éveillé assez, va porter ce billet au sieur
Bahuet, et ne le remets qu’à lui-même, parlant à sa personne. Voici un sol.
    — Un sol ! dit Guillemette en sortant de sa
cachette. Monsieur, c’est trop ! Un demi-sol suffirait pour une commission
aussi courte !
    — Voyez donc cette grande folieuse qui me veut rogner
mon salaire ! dit le petit vas-y-dire, dressé comme un serpent.
    — Folieuse ! hurla Guillemette en s’avançant, la
main levée. Je m’en vais te frotter l’oreille, vermisseau !
    — Paix-là ! dis-je, et la saisissant par le bras,
je lui fis faire demi-tour. Va à ta moutarde, Guillemette, et ne fourre plus
ton nez céans !
    Mais comme devant, elle ne fit que quelques pas et se cacha
derechef, étant attirée à cette scène comme limaille à l’aimant. À quoi elle
n’était pas seule, car le premier soleil
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