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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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Benoîte Vierge, comme
ils disent, qui le faisait.
    — Monsieur le Marquis, dit le « capitaine »
Tronson à mon côté, y a-t-il bien là tous vos meubles ?
    — Tous, à ce que je crois, dis-je, achevant de faire le
tour des deux chariots.
    — Adonc, dit Tronson, non seulement vous retrouvez vos
biens, mais faites en outre une belle picorée, avec ces deux chariots, et ces
quatre chevaux, lesquels vous demeurent, ce Bahuet étant à la fuite et hors
d’état de vous les jamais réclamer.
    — Se peut, dis-je froidureusement, voyant bien à quoi
ce discours tendait, se peut que je fasse une belle picorée, du moins si mon
logis n’est point trop gâté par l’incurie de ce coquin.
    Ce disant, j’y pénétrai, et fis de toutes les pièces, l’une
après l’autre, une revue exacte et vétilleuse, le Tronson ne quittant pas mes
talons, non plus que Miroul, mes deux arquebusiers, et qui ? Lecteur,
qui ? sinon la Guillemette qui, l’anse de son panier toujours vide passée
dans son bras, sa petite taille redressée, se faufilait derrière le gros
Poussevent, l’oreille alerte, et son bel œil noir, tant vif que celui d’un
écureuil, épiant toutes choses de tous côtés.
    — Ce logis, dis-je à la parfin, est fort sale, mais
rien n’y est à reprendre vraiment.
    — Adonc, dit le « capitaine » Tronson, votre
picorée est tout profit pour vous, laquelle se pourrait monter avec les quatre
chevaux, ceux-là étant jeunes et bien membrés, à mille écus et pour les deux
chariots à cinq cents. Au total cela fera choir pas moins de mille cinq cents
écus en votre escarcelle.
    — Compère, dis-je avec un sourire, appètes-tu à devenir
le gardien de mes trésors ?
    — Rien n’en vaut, dit Tronson, j’ai mon état de
menuisier, lequel est bel et bon et je m’y tiens. Mais plaise à vous de vous
ramentevoir, Monsieur le Marquis, que je détiens une créance sur le sieur
Bahuet…
    — Laquelle, dis-je froidureusement, je ne suis pas tenu
de te payer, n’étant pas l’héritier dudit, et n’entrant en possession de ses
biens que par action de guerre et droit de coutumière pillerie.
    — Cela est vrai, dit Tronson en avalant sa salive, mais
d’un autre côtel, j’ai tissé avec votre seigneurie durant le siège quelque
honnête lien de commerce et d’amitié que Monsieur le Marquis, si je le connais
bien, aura à cœur d’honorer.
    — Bien me connais-tu, Tronson, dis-je. Nomme donc ta
créance sur Bahuet.
    — Deux cents écus.
    — Cornedebœuf ! Deux cents ! Nous voilà
maintenant à deux cents ! Ta créance a pris du ventre depuis une heure,
maître-menuisier ! Car elle n’était alors que de cent !
    — C’est, Monsieur le Marquis, que je comptais alors
sans les intérêts qui ont couru ces trois ans écoulés.
    — Peste ! Ces intérêts ont doublé en trois ans le
principal ! Il n’est juif qui oserait prêter à taux si abusif ! Et ne
me dis point que ce Bahuet l’accepta jamais !
    — Monsieur le Marquis, peux-je vous comparer à Bahuet,
nourrissant pour vous tant d’humble, reconnaissante et respectueuse
amitié ?
    — Ventre Saint-Antoine, ton amitié prou me coûte !
Mais passons. Le temps me presse. Je ne veux point barguigner plus avant. De
ces quatre chevaux, prends le noir pour tien, et ensauve-toi, avant que je me
ravise. Poussevent ! Pissebœuf ! allez aider maître Tronson à le
dételer.
    — Ha ! La grand merci à vous, Monsieur le
Marquis ! cria Tronson qui, n’étaient sa bedondaine et sa cuirasse,
m’aurait salué jusqu’à terre.
    — Mon Pierre, dit Miroul, dès que le maître-menuisier
fut hors, c’est folie ! Tu ne devais rien à ce pleure-pain !
    — Ce pleure-pain est voisin de mon logis de la rue des
Filles-Dieu et fort écouté du voisinage. Raison pour quoi, gardant ledit logis
à loyer, je ne veux point m’en faire un ennemi.
    — Le bel ennemi ! Il est si bas de poil !
    — Mais la langue si parleresse !
    — N’empêche, mon Pierre, depuis que tu t’es fait
papiste, je te vois sur le chemin de perdre ta bonne économie huguenote.
Bailler à ce chiche-face le cheval noir ! Lequel est le plus beau des
quatre !
    — Vous l’avez mal examiné, Monsieur l’Écuyer, dis-je
d’un air fort picanier, le cheval noir a une coquetterie dans l’œil et un
mauvais aplomb des gambes arrière. Le Tronson n’en tirera pas cent écus.
    — Cornedebœuf, mon Pierre, tu es profond !
    — À mau chat mau
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