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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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rogné ! Le voici ! dis-je en le tirant de mon
escarcelle. Qu’en êtes-vous apensé ? Lui trouves-tu bonne mine ?
    — Le peux-je tâter ? dit Gaillardet.
    — Tâter, pastisser, mignonner, et mordre ! dis-je,
cette petite gausserie faisant rire le populaire et l’affectionnant à moi plus
avant.
    — Attrape ! poursuivis-je et je jetai la pièce à
Gaillardet, qui la reçut dans ses vastes paumes tannées comme cuir, et lui fit
tout ce que j’avais dit, ce qui redoubla l’esbouffade, ces Parisiens étant
d’esprit si volatile qu’ils passent en un battement de cil de l’ire la plus
menaçante à la plus débridée gaieté.
    — Vramy ! dit à la parfin Gaillardet en
s’inclinant la tête de côté d’un air mélanconique, la grand merci à vous,
Monsieur le Marquis. Mais me voilà couillasse comme jamais, contraint de
baisser modestement les yeux devant un bel écu. Car, pour dire le vrai, toute
bonne que soit cette hache, laquelle me vient de mon défunt père, je doute
qu’elle vienne à bout de cette porte, ou alors ce serait miracle !
    À peine avait-il prononcé que ledit miracle se fit, le
portail s’ouvrant de soi et les deux battants s’écartant l’un de l’autre, sans
qu’on pût voir du tout qui les déclouit, la cour du logis, hormis les deux
chariots et les chevaux attelés, étant vide. Tant est que Miroul, me voyant
avancer le pied me retint par le bras en disant en oc :
    — Espère un petit. Se peut que ce soit embûche.
    Mais au même moment, une voix que je connaissais bien cria
de derrière un des vantaux :
    — Monsieur de Vie, c’est je, Pissebœuf, arquebusier de
M. de Siorac. Plaise à vous de commander à vos hommes de non point me
tirer dessus, quand j’apparaîtrai aux vues.
    — Apparais, Tudieu ! apparais ! cria Vie de
sa voix stentorienne. Mais mordié ! qui est celui-là que je vois sortir de
derrière l’autre battant ?
    — C’est Caboche, le cuisinier de Sieur Bahuet, dit
Pissebœuf lequel, clochant d’une gambe, n’a pu sauter le mur de la rue du
Chantre, comme ils firent tous l’un après l’autre, après l’annonce de
M. de Siorac.
    — Le cuisinier de Bahuet ! Ventredieu ! Je le
vais pendre ! hucha Vie.
    — Plaise à vous que non, Monsieur de Vie, cria
Pissebœuf. Il n’était point armé, et je lui ai promis vie sauve ! En
outre, on ne peut point pendre ce pauvre Caboche pour le seul crime de n’avoir
point songé à empoisonner Bahuet du temps qu’il cuisait son rôt.
    Cette petite gausserie prononcée en français teinté d’accent
gascon (lequel était devenu fort à la mode qui trotte, dès lors que Navarre se
trouvait le maître de Paris) ébaudit fort le populaire des fenêtres,
immensément soulagé qu’il était, de reste, que l’affaire se terminât sans
arquebusade, sans pétard, et sans verrières éclatées.
    — Grâce accordée ! dit M. de Vie, lequel
se tournant vers moi, ajouta : Siorac, je suis bien aise d’être venu à
bout de cette traverse en vous contentant sans toutefois mécontenter
Sa Majesté, à laquelle je vais incontinent dire ce qu’il en fut.
    — La grand merci à vous, Monsieur le Vice-Amiral !
    — De mes esteufs, dit Pissebœuf en oc, mais à voix
basse, suspicionnant que Vie, qui était natif de Guyenne, pourrait entendre
notre parladure.
    — Fi donc, Pissebœuf ! dit Miroul, mais toutefois
à demi fâché, n’aimant pas Vie pour la raison qu’il nous avait robé la gloire
d’avoir dépêché le chevalier d’Aumale.
    — Poussevent, poursuivit Pissebœuf en oc, mais plus
haut (voyant que Vie, s’éloignant, était maintenant hors oreille), as-tu
observé que l’amiral a dit qu’il était « venu à bout de cette
traverse » ? Cornedebœuf ! Qui en est venu à bout sinon le
marquis et je ? Le marquis en me dépêchant rue du Chantre, et moi-même
m’avisant, au vu de ces vaunéants sautant le mur, que je le pourrai sauter à
l’inverse et la porte déclore.
    — Pissebœuf, dit le gros Poussevent avec humilité, bien
sais-je qu’il y a plus d’esprit, comme tu le dis, dans le petit doigt de ta
dextre que dans tout mon grand corps.
    — Babillebahou, qu’y peux-je ? Et qu’y
peux-tu ? dit Pissebœuf. N’en parlons plus ! C’est la nature qui a
voulu cela ! Il n’empêche que je les ai tous envoyés cul sur pointe en
ouvrant, sans me montrer, cette porte de merde. Tant est que ces
coquefredouilles papistes ont de prime cru que c’était la
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